Colloque à Rennes

A l’initiative de l’Observatoire de l’enfermement des étrangers, en partenariat avec la LDH Bretagne, le MRAP et le festival Migrant’scène de La Cimade

Les nouvelles formes de contrôle des personnes étrangères : de l’accueil à l’enfermement - Rétention, zones d’attente, assignation, hébergement spécialisé  (CAO, CHUM, centre de premier accueil, centres de retour)

Les politiques d’enfermement et d’expulsion des personnes étrangères conduites par les gouvernements successifs se sont considérablement durcies. Leur enfermement en zone d’attente aux frontières françaises et européennes pour les refouler et dans les centres et locaux de rétention pour les expulser, bat des records au niveau européen.

Ces dernières années, de nouvelles méthodes de contrôle se sont développées : assignation à résidence, interpellation au domicile, conduite de force en préfecture ou vers les consulats, multiplication des fichiers, expulsions intra-européennes. Dans le même temps, de nouvelles formes d’hébergement spécialisées ont été créées (centres d’accueil et d’orientation, centre d’hébergement d’urgence pour migrants…). Outre leur fonction d’hébergement ou d’accompagnement, l’exercice d’un contrôle policier et administratif, ou délégué par la puissance publique, a tendance à s’y développer. Les personnes hébergées dans ces lieux peuvent être finalement enfermées en rétention ou expulsées. Certains centres dédiés au renvoi des personnes (volontaires et forcés) commencent par ailleurs à émerger.

L’ensemble de ces phénomènes suscite de légitimes inquiétudes. Il recèle de nouveaux enjeux politiques et sociétaux. Les personnes étrangères se trouvent confrontées à de nouveaux obstacles, tout comme celles et ceux qui les accompagnent et se mobilisent à leur côté.

Ce colloque est destiné à établir un panorama de ces nouvelles formes de contrôle, des restrictions et de privation de liberté des personnes étrangères. Il s’agira de cerner leurs liens,  leurs porosités, leurs logiques. Il permettra aussi de prendre la mesure des nouvelles formes de solidarité qui se manifestent autour de ces lieux. Enfin, cette journée sera un espace d’échanges sur les expériences de terrain des organisations et personnes que ces questions mobilisent, en particulier en Bretagne.


Rennes – la Maison des associations
Samedi 25 novembre 2017
Inscription obligatoire : https://fasti.typeform.com/to/BaOYUZ


                                                                                         

Revoir la réunion publique :

Ouverture du colloque par Carole Bohanne (MRAP) et Claire Rodier (Gisti)

Panorama de l'enfermement des personnes étrangères en France et de leur mis sous contrôle / La multiplication des lieux d'hébergement réservés aux migrant-e-s et leurs liens avec le dispositif visant à expulser

Modération : Patrick Pierre (Cefed Asti Evreux, FASTI) 

- David Rohi (La Cimade)

- Marie Henocq (La Cimade)

- Caroline Maillary (Gisti)

Quelles tendances politiques en Europe sur la question de l'accueil, de l'enfermement et du contrôle

Modération : Claire Rodier (Gisti)

- Olivier Clochard (géographe, Migrinter, Migreurop)

- Catherine Teule (AEDH)

L'hébergement sous contrôle en Bretagne : témoignages

- Carole Bohanne (MRAP)

- David Torondel (LDH Quimper)

- Paulette Gentet (Association pays de Morlaix, solidarité migrants, collectif Roscoff, bénévole CAO Pleyber Christ)

- Robert Fourmont (CCFD Fougères, collectif citoyen CAO de Beaucé) 

Enjeux, mobilisations et formes de solidarités 

Modération : Odile Ghermani (LDH)

- Aude Meulemeester ( travailleuse sociale, LDH Belge, comité de vigilance en travail social)

- Joëlle Couillandre (Un toit c'est un droit)

- Stéphane Le Labourier (LDH Concarneau Quimperlé) 

Clôture du colloque par Carole Bohanne (MRAP) et Anna Sibley (FASTI)

Lettre ouverte à la ministre de la justice publiée par Mediapart le 18 septembre 2017

La justice dans les tribunaux, pas sur le tarmac !
 
Pour faire suite au projet de délocalisation d’une annexe du TGI de Bobigny à Roissy qui « est porteur de graves dérives et qu’il revient à mettre en place une justice d’exception pour les étrangers », l’Observatoire de l’enfermement des étrangers (OEE) demande à Madame la Garde des Sceaux d’y renoncer définitivement.

Le 2 octobre prochain sera inaugurée une annexe du Tribunal de grande instance (TGI) de Bobigny au bord des pistes de l’aéroport de Roissy, une salle d’audience « délocalisée » accolée à la zone d’attente de Roissy (dite ZAPI), où sont privés de liberté chaque année des milliers d’étrangers à qui l’entrée en France et en Europe est refusée par la police aux frontières, souvent de façon arbitraire.

En réalité, cette annexe n’aura, de justice, que l’apparence puisque les décisions ne concerneront qu’une seule catégorie - des étrangers - à la demande de la police aux frontières poursuivant l’unique objectif de leur enfermement afin de les renvoyer.


Madame la ministre de la justice,

L’ouverture de la salle d’audience « délocalisée » en zone d’attente de l’aéroport de Roissy Charles de Gaulle est annoncée pour le 2 octobre prochain ; cette salle a été aménagée dans la zone aéroportuaire de Roissy en vue d’y faire comparaître devant le juge de la liberté et de la détention des personnes étrangères, placées en zone d’attente, dont la police aux frontières demande au juge des libertés et de la détention de pouvoir prolonger l’enfermement le temps d’organiser leur expulsion.

La délocalisation de ces audiences dans une salle immédiatement attenante au local de détention, de surcroît difficile d’accès, porte atteinte à plusieurs des principes du procès équitable, notamment l’impartialité apparente de la juridiction, la publicité des débats et les droits de la défense. Le transfert dans des locaux dépendant du ministère de l’intérieur de greffiers et de magistrats pour rendre la justice, et d’avocats pour défendre leurs clients, constitue une atteinte à l’indépendance de la justice. La « confusion des genres » est encore plus criante lorsqu’on sait qu’une partie de cette annexe du tribunal (bureaux des magistrats, du greffe, des avocats, seconde salle d’audience, etc.) se situe à l’intérieur même du bâtiment servant à l’hébergement des personnes maintenues en zone d’attente et géré par la police aux frontières.

Ce projet revient à mettre en place les conditions d’une justice dégradée, réservée aux personnes étrangères.

Une telle dégradation ne serait pas une première. Plusieurs salles d’audiences ont déjà été installées à proximité de centres de rétention pour étrangers, donnant lieu, pour certaines, à la censure de la Cour de cassation. Depuis l’automne 2013, une justice d’exception est rendue pour les personnes enfermées au centre de rétention administrative du Mesnil-Amelot. Quatre ans après la mise en place de cette annexe du TGI de Meaux sise à quelques centaines de mètres à peine du CRA – qui avait suscité en son temps une importante mobilisation –, les constats sont sans appel, entre atteinte à la publicité des débats du fait de l’isolement de cette cour, confusion entretenue entre lieu d’enfermement et lieu de justice, et coupure entre ce tribunal et sa juridiction-mère.

En 2013, le projet de salle d’audience « délocalisée » à Roissy, qui revient aujourd’hui, avait suscité une très vive opposition, non seulement parmi les organisations de défense des droits des étrangers mais aussi de la part de personnalités et d’institutions telles que la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) ou le Conseil national des barreaux.

Le commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe avait lui-même fait part à Madame Taubira, alors Garde des Sceaux, par un courrier du 2 octobre 2013, des graves difficultés que ce projet posait au regard du respect des droits de l’homme, considérant qu’elles risquaient « d’accréditer l’idée que les étrangers ne sont pas des justiciables ordinaires ».

Un rapport d’évaluation du projet, commandé par la Chancellerie à l’époque relevait que « l’espoir d’une économie budgétaire par le recours à de nouvelles modalités de fonctionnement du fait de la mise en service de l’annexe sur l’emprise de l’aéroport de Roissy est tout à fait illusoire » et qu’il s’agit d’un simple « transfert de charges entre le ministère de l’intérieur et celui de la justice avec un résultat final probablement très négatif pour le budget global de l’Etat ». Depuis, des travaux supplémentaires ont été réalisés sur les lieux ; mais il ne s’agit que d’aménagements cosmétiques ne permettant en rien de garantir le respect des droits précédemment évoqués.

Il y a quatre ans, ces critiques convergentes avaient abouti à l’abandon de ce projet inutile et néfaste. Pourtant, à la fin de l’année 2016, des instructions ont été données par le cabinet de votre prédécesseur en vue de réactiver la délocalisation de la salle d’audience à Roissy Charles de Gaulle, suscitant une interpellation – restée sans réponse – du Ministre par l’Observatoire de l’enfermement des étrangers.

Aujourd’hui, c’est à vous, Madame la ministre, que nous demandons instamment de renoncer à créer les conditions d’une justice dégradée, sur le tarmac d’un aéroport, loin des palais de justice et du regard de la société civile.

Compte tenu de l’importance des enjeux qui s’attachent à cette question, vous comprendrez que nous souhaitions donner une large publicité au présent courrier.