Communiqués de presse

3 août 2021

Révoltes dans les centres de rétention : le gouvernement jette de l'huile sur le feu


Le mouvement de révolte qui a éclaté ces derniers jours au CRA (centre de rétention administrative) du Mesnil Amelot met une nouvelle fois en lumière les conditions désastreuses dans lesquelles des personnes étrangères, à qui on reproche seulement d’être dépourvues de documents de séjour, sont enfermées dans ces lieux de privation de liberté. Des conditions qui ont empiré avec la crise sanitaire, notamment depuis l’automne 2020. La seule réponse à la légitime révolte de ces personnes a été une répression violente par les forces de police. 

Les tensions se sont encore aggravées depuis que l’administration oblige les personnes en instance d’éloignement à subir un test PCR afin de pouvoir les expulser vers les pays qui exigent un test négatif pour entrer sur leur territoire. Celles qui refusent sont placées en garde à vue à la fin de la période de rétention et souvent condamnées à de lourdes peines de prison pour avoir fait obstacle à leur propre expulsion. Après avoir purgé leur peine, elles sont renvoyées en CRA et un cycle infernal CRA/prison/CRA/… s’engage alors pour nombre d’entre elles. Pourtant, ces condamnations sont contraires à la loi.

En effet, comme l’ont souligné les associations rassemblées dans l’Observatoire de l’enfermement des étrangers (OEE) dès le mois de septembre 2020, « le refus de se faire tester n’entre pas dans la définition du délit décrit et sanctionné par le Code de l’entrée et du séjour des étrangers (Ceseda) » et le Code civil comme le Code de la santé publique interdisent « qu’un acte médical, a fortiori invasif comme c’est le cas des tests Covid, soit pratiqué sans le consentement de la personne ».[1]

La contrôleuse des lieux de privation de liberté vient de le rappeler, « il ne peut être porté atteinte à l’intégrité du corps humain qu’en cas de nécessité médicale. Toute personne, quelle que soit sa situation, peut librement s’opposer à un acte médical. L’exercice d’une liberté fondamentale ne saurait être qualifiée de délit, ni faire l’objet de poursuites et d’emprisonnement ferme. »

Or, les personnes retenues n’ont pas réellement d’alternative puisqu’elles doivent choisir entre deux risques tout aussi insupportables pour elles : être poursuivies pénalement si elles refusent le test ou être expulsées si elles l’acceptent.

Bien plus, le gouvernement vient de faire voter à la sauvette, dans le cadre du projet de loi relatif à la gestion de la crise sanitaire, un amendement tendant à contourner les décisions rendues par plusieurs tribunaux qui, sur la base de ces principes, ont refusé de condamner les personnes poursuivies pour ces refus de tests. Si elle n’est pas censurée par le Conseil constitutionnel, cette disposition complétera l’article 824-9 du Ceseda en permettant de condamner à une peine de trois ans de prison tout étranger refusant « de se soumettre aux obligations sanitaires nécessaires à l’exécution d’office de la mesure dont il fait l’objet ».

Les associations rassemblées dans l’OEE dénoncent cette manœuvre, dont les conséquences ne pourront qu’accroître la tension qui prévaut dans les CRA. Elles demandent la fermeture de tous les lieux de détention administrative des personnes étrangères.





NON AUX AUDIENCES EN VISIOCONFÉRENCE AU CRA DE RENNES !

21 avril 2021

 

Communiqué commun : Pour dire NON à une justice d’exception pour les personnes étrangères, les associations et organisations signataires appellent à une manifestation jusqu’au CRA

PAS DE JUSTICE D’EXCEPTION POUR LES EXILÉ.E.S !

 

Depuis la mi-février 2021, une salle de visioconférence, annexe de la Cité judiciaire de Rennes, est en construction au centre de rétention administrative (CRA) de Saint-Jacques-de-la-Lande. Une fois qu’elle sera opérationnelle, les audiences auront donc lieu sans présentation physique des personnes au tribunal.

 

En France, les préfectures peuvent enfermer les personnes étrangères sans papiers en centre de rétention afin d’organiser leur expulsion du territoire. La durée maximale est de 90 jours. C’est un juge des libertés et de la détention qui, au 2ème jour, examine la régularité de cet enfermement, puis autorise ou non sa prolongation après 30, 60 et 75 jours d’enfermement. Ces audiences ont lieu à la Cité judiciaire de Rennes, elles sont publiques, les personnes étrangères y bénéficient de l’assistance d’un avocat, et éventuellement d’un interprète.

 

Mais d’ici quelques semaines, ces audiences se tiendront en visioconférence, directement depuis l’annexe composée de « préfabriqués », jouxtant le CRA. Les raisons avancées pour justifier cette dématérialisation sont principalement d’ordre logistique et sécuritaire, notamment permettre de limiter les déplacements d’escortes policières, et les risques d’évasion des personnes retenues.

 

Même si le recours à la visioconférence a été légalisé par la loi asile et immigration de 2018 sous certaines conditions (la salle d’audience doit dépendre du ministère de la Justice et donc avoir un accès distinct et indépendant du CRA et doit être accessible au public afin de garantir la publicité des débats), nous contestons la mise en pratique de ces audiences.

En effet il est indéniable que ces dernières se feront au détriment des droits des personnes étrangères car, dans ces conditions, comment garantir le respect des droits de la défense, et du droit au procès équitable ?

 

Les avocats, les interprètes vont-ils se déplacer au centre de rétention ou bien intervenir, comme le juge, depuis le tribunal ?

Quelle garantie de confidentialité des échanges avec l’avocat, si la personne retenue ne peut pas le rencontrer physiquement et que des policiers se trouvent à proximité durant l’entretien ?

Qu’adviendra-t-il si, comme cela se produit déjà, l’audience est entravée ou interrompue par des problèmes techniques ?

Plus globalement, quelle compréhension pourront avoir les personnes concernées de la situation et des enjeux liés à ces audiences puisqu’elles ne quitteront plus matériellement l’aire du CRA ?

 

Le recours à la justice par visioconférence invisibilise encore la situation des personnes étrangères dans les centres de rétention et fragilise toujours plus l’exercice de leurs droits. Il remet en cause le principe/l’apparence d’indépendance et d’impartialité de la justice, tout en éloignant du droit commun les personnes étrangères, qui devraient pourtant pouvoir bénéficier du même accès à la justice que les français.es.

 

Pour dire NON à une justice d’exception pour les personnes étrangères, les associations et organisations signataires appellent à une manifestation jusqu’au CRA

le samedi 24 avril 2021.

Rendez-vous à 14h30 devant L’Aire Libre à Saint-Jacques-de-la-Lande

Prises de parole à 15h30 devant le CRA

 

Organisations signataires :

Accueil réfugiés Bruz,  Action Culture Entreprise,  ANAFE – Association nationale d’assistance aux frontières pour les étrangers -,  Bienvenue Rennes,  CCFD Terres Solidaires 35,  La Cimade,  Collectif Justice et Vérité pour Babacar Gueye,  Collectif Sans Papiers Rennes,  Droit Au Logement,  Ensemble 35,  FASTI,  GISTI,  Groupe Logement 14/10,  GT Migrants FI Rennes,  la Ligue des Droits de l’Homme,  MIDAF,  MRAP 35,  NPA Rennes,  Observatoire citoyen du CRA de Oissel, Observatoire de l’enfermement des étrangers*, le Paria,  Solidaire 35,  Sud Education 35,  Syndicat de la Magistrature,  UD CGT 35,  UL CGT Rennes,  UL CNT 35,  Un Toit Un Droit.

 

*L’observatoire de l’enfermement des étrangers est composé de :

ACAT-France, Avocats pour la défense des droits des étrangers, Anafé, Comede, Droits d’urgence, Fasti, Genepi, Gisti, La Cimade, Le Paria, Ligue des droits de l’homme, MRAP, Observatoire Citoyen du CRA de Palaiseau, réseau de visiteurs et l’observatoire citoyen du CRA de Oissel, Syndicat des avocats de France, Syndicat de la magistrature.

 

70 personnes enfermées à Roissy : bientôt un cluster dans la zone d’attente ?

Aujourd'hui, 70 personnes (dont 12 enfants et 46 demandeurs d’asile) sont enfermées dans la zone d’attente de l’aéroport de Roissy dans des conditions sanitaires inquiétantes, largement en-deçà des standards minimums exigés dans le cadre de la lutte contre la crise sanitaire liée au covid-19. 

C’est la première fois, depuis le début de la crise sanitaire, qu’autant de personnes sont enfermées en même temps dans la zone d’attente de Roissy (la plus grande de France). Depuis le début de la semaine, leur nombre a largement augmenté, atteignant jusqu’à 85 personnes hier, 30 mars 2021.  

Les conditions dans lesquelles elles sont enfermées sont préoccupantes d'un point de vue sanitaire. En effet, les locaux de la zone d'attente ne sont pas aérés. Le gel hydroalcoolique n’est pas en accès libre. Les chambres, en principe individuelles, sont parfois partagées faute de place, ce qui rend la nécessaire distanciation impossible. 

Jonathan, demandeur d’asile sri-lankais, est obligé de partager sa chambre depuis 9 jours avec une autre personne car il y a plus de personnes en zone d’attente que de chambres disponibles. 

Aucune désinfection, notamment des téléphones et des couloirs exigus, n'est - a priori - mise en œuvre alors que ceux-ci sont très largement utilisés par les personnes enfermées. Certaines personnes portent le masque avec lequel elles ont voyagé pendant plusieurs jours.

Gisèle, reconnue réfugiée en Grèce, est arrivée à Roissy il y a 3 jours. Ce n’est qu’hier qu’elle a pu changer son masque, ignorant qu’elle avait la possibilité de s’en procurer avant.   

Il semble que les autorités fassent fi des règles qui permettent de protéger les personnes en dehors de la zone d’attente. Apparemment ces règles ne s’appliquent pas en zone d’attente, alors que des personnes qui ont été testées positives ont pu y être enfermées. 

Après deux jours en zone d’attente, et afin de le renvoyer vers le Burkina-Faso, Ali, résident italien, a été soumis à un test PCR. En raison d’un résultat positif, il est admis sur le territoire et isolé chez son frère. Les autres personnes maintenues en zone d’attente en même temps que lui n’ont pas été testées. 

Depuis le début de la pandémie du covid-19, l’Observatoire de l’enfermement des étrangers suit l’évolution de la situation juridique et sanitaire des personnes bloquées aux frontières et notamment à l’aéroport de Roissy, dénonce les conditions dans lesquelles les personnes sont enfermées sans respect des conditions sanitaires, milite auprès des autorités pour la fermeture de ces lieux où les conditions sanitaires ne peuvent être respectées et alerte les instances de protection des droits humains. 



L’Observatoire de l’enfermement des étrangers s’indigne donc à nouveau du traitement réservé aux personnes étrangères dans les zones d’attente par le ministère de l’intérieur qui privilégie le contrôle, l’enfermement et le renvoi, au détriment de leur santé, et de la protection de toutes et tous contre le covid-19. 

Cette situation rappelle que la seule solution est la fin de l’enfermement des personnes. 

Organisations signataires :

ACAT-France, Avocats pour la défense des droits des étrangers, Anafé, Comede, Droits d’urgence, Fasti, Genepi, Gisti, La Cimade, Le Paria, Ligue des droits de l'homme, MRAP, Observatoire Citoyen du CRA de Palaiseau, réseau de visiteurs et l'observatoire citoyen du CRA de Oissel, Syndicat des avocats de France, Syndicat de la magistrature.

 

Non à la construction de 4 centres de rétention administrative !

 

 

Selon les informations recueillies par les organisations membres de l’OEE auprès des autorités, le ministère de l’intérieur a décidé et budgété la construction de 4 centres de rétention administrative (CRA) supplémentaires en France.

 

Les murs du premier ont déjà émergé de terre à Lyon et permettront d’enfermer jusqu’à 140 personnes à partir de 2022. La construction du second, de 90 places, est programmée à Olivet, commune jouxtant Orléans, et son ouverture est prévue en 2023. Deux autres CRA sont en projet pour 2025 au Mesnil-Amelot (64 places) et à Bordeaux (140 places).

 

La France se distingue déjà avec une politique très développée et répressive d’enfermement des personnes étrangères visées par une expulsion. Chaque année, près de 50 000 personnes subissent cette privation de liberté traumatisante et marquée par de nombreuses violations de leurs droits.

 

Avec 434 places supplémentaires, la construction de ces 4 nouveaux CRA conduirait à une augmentation sans précédent de la taille de la machine à expulser. S’ajoutant à celles déjà créées ces deux dernières années, le nombre de places en rétention dans l’hexagone en serait ainsi doublé, passant de 1069 en 2017 à 2157.

 

 

Les CRA sont la face la plus explicite et brutale de la politique de mise à l’écart des personnes étrangères en France. L’OEE, qui dénonce depuis sa création la banalisation de l’enfermement administratif et de la pénalisation du séjour irrégulier comme mode de gestion des personnes étrangères, appelle le gouvernement à renoncer à la construction de ces 4 CRA ainsi qu’à fermer l’ensemble de ceux déjà en fonction dans l’hexagone comme outre-mer. Et invite à se mobiliser en réponse à l’appel à manifester d’organisations orléanaises le 27 mars, et lyonnaises le 10 avril.

 

 

 

Organisations signataires :

ACAT-France, Avocats pour la défense des droits des étrangers, Anafé, Comede, Droit d’urgence, Fasti, Genepi, Gisti, La Cimade, Le Paria, Ligue des droits de l'homme, MRAP, Observatoire Citoyen du CRA de Palaiseau, réseau de visiteurs et l'observatoire citoyen du CRA de Oissel, Syndicat des avocats de France, Syndicat de la magistrature.

 


Arbitrairement enfermé en rétention pendant 56 jours

Le 2 novembre 2020, Monsieur B. a été enfermé au centre de rétention administrative (CRA) du Mesnil-Amelot sur la base d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF) prononcée par la préfecture de Seine-Saint-Denis.

Avec l’aide de son avocat, il a contesté cette décision devant le tribunal administratif de Melun, qui l’a annulée le 7 décembre. Dès lors, comme le prévoit la loi[1] Monsieur B. aurait dû être immédiatement remis en liberté, la rétention ne pouvant légalement se justifier que pour exécuter la mesure d’éloignement qui le visait, désormais annulée.

Pourtant, Monsieur B. subira 56 jours de rétention supplémentaires, jusqu’à sa libération le 31 janvier, à l'expiration délai maximal prévu par la loi. La violence d'un enfermement d'une telle durée a été renforcée, dans son cas, par les problèmes de santé dont il est affecté. Et son sentiment d’injustice a été encore accru par le fait qu’il est ressortissant d’un pays vers lequel les expulsions sont de toute façon rendues impossibles par la pandémie.

Comment une privation de liberté aussi manifestement illégale a-t-elle pu durer 56 jours alors même qu'une décision de justice en sa faveur devait être exécutée sans délais ?

C'est le résultat d'un acharnement de l’administration et de la justice, qui pose, au-delà de sa situation personnelle, de graves questions quant aux dérives d'une politique de recours systématique à la rétention administrative.
C'est d'abord la préfecture de Seine-Saint-Denis qui fait appel de la décision annulant l'OQTF et décide de maintenir Monsieur B en rétention, alors même que ce type d’appel ne suspend pas l’exécution de la décision annulant l'OQTF, laquelle impose une mise en liberté.
C'est ensuite la Cour d'appel de Paris qui annule la décision rendue le 8 décembre par le juge des libertés et de la détention de Meaux , lequel avait logiquement ordonné cette mise en liberté au motif parfaitement exact que « la décision d'annulation est exécutoire de plein droit et qu'un éventuel appel ne suspend pas le caractère exécutoire de celle-ci ».

Ainsi une juridiction en est-elle venue à valider la rétention arbitraire que l'acharnement aveugle de l’administration a fait subir durant 56 jours à une personne qui ne faisait l'objet d'aucune décision d'expulsion.

L’OEE dénonce une privation de liberté illégale et alerte quant aux risques qu’elle ne se reproduise.



Organisations signataires :

ACAT-France, Avocats pour la défense des droits des étrangers, Anafé, Comede, Droits d’urgence, Fasti, Genepi, Gisti, La Cimade, Le Paria, Ligue des droits de l'homme, MRAP, Observatoire Citoyen du CRA de Palaiseau, réseau de visiteurs et l'observatoire citoyen du CRA de Oissel, Syndicat des avocats de France, Syndicat de la magistrature.

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[1] Article L512-4 du CESEDA




 

Refus d’assistance médicale et juridique aux personnes exilées enfermées à la frontière franco-italienne : le tribunal administratif de Marseille sanctionne à son tour l’administration


ALERTE PRESSE
16 décembre 2020


Le 10 décembre 2020, le tribunal administratif de Marseille a sanctionné le refus opposé à nos associations de porter une assistance médicale et juridique aux personnes exilées enfermées illégalement dans le local attenant au poste de la police aux frontières (PAF) de Montgenèvre. Considérant que cet espace ne peut constituer un local de « mise à l’abri », le juge des référés vient s’inscrire dans la lignée de la décision du 30 novembre dernier du tribunal administratif de Nice.

Le 16 octobre 2020, des représentantes de l’Anafé et de Médecins du Monde se sont présentées aux locaux de la PAF de Montgenèvre afin d’apporter assistances juridique et médicale aux personnes y étant enfermées. Au prétexte d’une « mise à l’abri » de ces personnes, l’accès leur a été refusé par la PAF de Montgenèvre puis par la préfecture des Hautes-Alpes. 

Saisi de ce refus, le tribunal administratif de Marseille a demandé à l’administration de réexaminer la demande d’accès des associations dans ces locaux où les personnes sont placées sous la contrainte de la police aux frontières. Il s’est en outre prononcé sur cette pratique de privation de liberté à la frontière franco-italienne, organisée par l’Etat français.

Reconnaissant qu’il ne peut être soutenu que le local en question soit un local de « mise à l’abri » dans le cadre de procédures de refus d’entrée par la préfecture des Hautes-Alpes, le juge des référés suspend le refus d’accès opposé à nos associations. Mais il va au-delà : reprenant la décision du Conseil d’Etat du 27 novembre dernier, il rappelle que « un refus d’entrée ne peut être opposé à un étranger qui a pénétré sur le territoire en franchissant une frontière intérieure terrestre ». En confirmant l’illégalité des pratiques de l’administration à la frontière franco-italienne, que nos associations ne cessent de dénoncer, cette décision pose les bases d’une reconnaissance de l’illégalité de la privation de liberté des personnes exilées à cette frontière. 

Au lendemain de cette décision, une délégation d’élus et d’associations a assisté à l’interpellation, dans la neige, d’environ 25 personnes exilées, dont 2 femmes enceintes, 3 enfants en bas âge, 3 mineurs isolés, des familles, des personnes en détresse respiratoire… L’ensemble de ces personnes ont fait l’objet de procédures de refus d’entrée. Si 19 d’entre elles ont pu être prises en charge par les sapeurs-pompiers et conduites à l’hôpital de Briançon, 5 autres ont été refoulées vers l’Italie, après plusieurs heures d’enfermement au poste de la police aux frontières de Montgenèvre. Parmi elles, trois personnes avaient déclaré souhaiter demander l’asile en France, en présence de deux élus qui se trouvaient à l’intérieur du poste. Après leur refoulement en Italie (en violation du principe de non-refoulement et de la jurisprudence du Conseil d’Etat du 8 juillet 2020), ces trois personnes ont de nouveau tenté d’entrer en France pour y demander l’asile, empruntant, cette fois-ci, un passage plus risqué. Elles ont été secourues par les secours en montagne samedi 12 décembre, en soirée, avant d’être transférées à l’hôpital où elles ont passé la nuit.  

Si les récentes décisions du Conseil d’Etat et des tribunaux administratifs de Nice et de Marseille permettent d’ouvrir une nouvelle voie à la reconnaissance et à la sanction des violations quotidiennes des droits des personnes exilées à la frontière franco-italienne, nos associations appellent désormais à ce qu’elles se traduisent dans les faits. Il faut que cessent, enfin, ces pratiques qui violent les droits et mettent en danger la vie de nombreuses personnes, chaque jour, aux frontières françaises.


Complément d’information

Depuis juin 2015, nos associations constatent et dénoncent des pratiques illégales d’enfermement de personnes exilées par l’administration française à la frontière franco-italienne. Chaque jour, à la suite de contrôles discriminatoires et de procédures expéditives de refus d’entrée, des dizaines de personnes sont enfermées dans des constructions modulaires attenantes aux postes de la PAF de Menton et de Montgenèvre, pendant plusieurs heures quand ce n’est pas toute la nuit voire plus et ce, dans des conditions indignes : constructions de quelques mètres carrés sans isolation, pas de couverture, pas de possibilité de s’allonger, pas ou peu de nourriture ni d’eau, conditions d’hygiène déplorables, promiscuité forte entre toutes les personnes (familles, adultes, enfants, hommes et femmes).

En 2017, le Conseil d’Etat avait refusé de sanctionner ces pratiques, estimant qu’elles pouvaient être justifiées tant que la durée de privation de liberté ne dépassait pas une durée dite « raisonnable » de moins de 4 heures.

Pourtant, le constat de nos associations demeure le même : la privation de liberté quotidienne de dizaines de personnes, pour des durées régulièrement supérieures à 4 heures et dans des conditions indignes.

En dehors de tout cadre légal, cette privation de liberté échappe donc au contrôle juridictionnel et se déroule toujours dans la plus totale opacité. Depuis fin 2019, plusieurs élus se sont vu refuser l’accès à ces locaux (alors qu’ils pouvaient y accéder jusqu’alors) au motif que ceux-ci ne seraient pas des locaux de privation de liberté mais, au contraire, de « mise à l’abri » pour la « sécurité » des personnes exilées. 

En septembre et octobre 2020, des représentantes de l’Anafé et de Médecins du Monde se sont donc présentées aux locaux de la PAF de Menton et de Montgenèvre afin d’apporter assistance juridique et médicale aux personnes y étant « mises à l’abri ». Or, au motif même de la « mise à l’abri » de ces personnes, l’accès leur a été refusé.

Les 18 et 21 novembre dernier, nos associations ont donc saisi les juges des tribunaux administratifs de Nice et de Marseille afin qu’ils se prononcent sur le droit d’accès des associations dans les lieux privatifs de liberté aux postes de la PAF de Menton pont Saint-Louis et de Montgenèvre.

Vous avez dit « mise à l’abri » ?

La réalité vécue par des personnes étant passées par ces locaux et ayant témoigné auprès de nos associations de ce qu’elles ont subi apparaît clairement très éloignée de ce que supposerait l’idée d’un « abri ».

Le 8 octobre 2020, Maya*, ressortissante ivoirienne, témoignait de sa privation de liberté de plus de 14h avec ses deux enfants âgés de 3 et 5 ans au niveau du poste de la PAF de Menton. Privée de liberté avec plus de 17 autres personnes, hommes et femmes confondus, dans un petit espace, sans aucun respect des normes de protection sanitaire possible, elle n’a, de plus, reçu aucune nourriture et a témoigné de l’état déplorable des sanitaires. 

En 2019, Alpha*, ressortissant nigérian âgé de 17 ans, témoignait avoir été enfermé dans la nuit du 27 au 28 mai 2019 dans les constructions modulaires attenantes à la PAF de Menton, pendant plus de dix heures. Une dizaine d’adultes étaient enfermés en même temps que lui, dans des conditions exécrables avec des toilettes inutilisables. Il aurait pourtant déclaré sa minorité et exprimé son souhait de demander l’asile en France, sans que cela ne soit pris en compte par les forces de l’ordre.

En 2018, Omar*, ressortissant ivoirien, âgé de 20 ans, témoignait de sa privation de liberté dans les locaux de la PAF de Montgenèvre de 18h à 7h du matin, dans la nuit du 3 au 4 septembre, sans nourriture ni eau. 

Ce ne sont que quelques exemples parmi des centaines…

 

Pour suivre la campagne contentieuse : #DetentionArbitraire

*Afin de veiller à la confidentialité et l’anonymat des personnes, les prénoms ont été modifiés.

 


Associations signataires :

Anafé – Association nationale d’assistance aux frontières pour les étrangers

Organisations membres de l’Observatoire de l’enfermement des étrangers : ACAT-France, Avocats pour la défense des droits des étrangers (ADDE), Anafé, Comede, Droits d’urgence, Fasti, Genepi, Gisti, La Cimade, Le Paria, Ligue des droits de l'Homme, MRAP, Observatoire Citoyen du CRA de Palaiseau, Observatoire du CRA de Oissel, Syndicat des avocats de France (SAF), Syndicat de la magistrature (SM)

Alliance-DEDF (Alliance des avocats et praticiens du droit des étrangers pour la défense des droits fondamentaux)

Roya citoyenne

Tous Migrants

 

Associations co-signataires :

AdN (Association pour la démocratie à Nice)

ASGI

Emmaüs France

Emmaüs Roya

Kesha Niya Kitchen

We world




ALERTE PRESSE
1er décembre 2020

Refus d’assistance médicale et juridique aux personnes exilées enfermées à la frontière franco-italienne : le tribunal administratif de Nice sanctionne l’Etat


Le 30 novembre 2020, le tribunal administratif de Nice a sanctionné le refus opposé à nos associations de porter une assistance médicale et juridique aux personnes exilées enfermées dans les locaux attenants au poste de la police aux frontières (PAF) de Menton pont Saint-Louis. Le juge des référés considère que cette décision porte une atteinte grave au principe de fraternité consacré par le Conseil constitutionnel et laisse entendre qu'il existe un doute sérieux sur la légalité des privations de liberté infligées aux personnes exilées à la frontière italienne, que nos associations ne cessent de dénoncer.

Le 15 septembre 2020, des représentantes de l’Anafé et de Médecins du Monde se sont présentées aux locaux de la PAF de Menton afin d’apporter assistance juridique et médicale aux personnes y étant enfermées. Au prétexte d’une « mise à l’abri » de ces personnes, l’accès leur a été refusé par la PAF de Menton puis par la préfecture des Alpes-Maritimes.

Saisi de ce refus d’accès, le tribunal administratif de Nice s’est prononcé sur cette pratique de privation de liberté à la frontière franco-italienne, organisée par l’Etat français.

Reconnaissant que « quotidiennement, de nombreuses personnes sont retenues dans ces locaux munis de système de fermeture et de surveillance vidéo, dans des conditions précaires, pour de nombreuses heures, notamment la nuit lorsque le poste de police italien est fermé, qu’elles sont mises dans l’impossibilité de partir librement de ces locaux et d’obtenir au cours de la période de « maintien » une assistance médicale, juridique ou administrative d’associations », la juge des référés ordonne la suspension du refus d’accès opposés aux associations et enjoint la préfecture des Alpes-Maritimes à l’examiner de nouveau, dans un délai 30 jours. 

Le tribunal administratif de Nice vient ainsi ouvrir une nouvelle voie à la condamnation et à la sanction des pratiques illégales de l’administration française à la frontière franco-italienne. 

Cette décision s’inscrit dans la lignée de celle rendue par le Conseil d’Etat le 27 novembre dernier, qui a annulé les dispositions qui permettent à l’administration de notifier des refus d’entrée aux personnes interpellées aux frontières intérieures terrestres, et dans une borne de 10 km en deçà, dans un contexte de rétablissement des contrôles aux frontières intérieures. En reprenant la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, cette décision confirme l’illégalité des pratiques de l’administration française aux frontières intérieures, que nos associations dénoncent depuis 5 ans.

Déjà, en juillet dernier, le Conseil d’Etat avait reconnu les violations quotidiennes au droit d’asile à la frontière franco-italienne.

Illégalité des refus d’entrée, violation du droit d’asile, détention arbitraire à la frontière franco-italienne : nos associations appellent désormais le tribunal administratif de Marseille, saisi du refus d’assistance médicale et juridique et des pratiques d’enfermement au poste de la PAF de Montgenèvre, à se prononcer dans le même sens que celui de Nice.

Il faut que cessent enfin les violations des droits à la frontière franco-italienne.


 

Complément d’information

Depuis juin 2015, nos associations constatent et dénoncent des pratiques illégales d’enfermement de personnes exilées par l’administration française à la frontière franco-italienne. Chaque jour, à la suite de contrôles discriminatoires et de procédures expéditives de refus d’entrée, des dizaines de personnes sont enfermées dans des constructions modulaires attenantes aux postes de la PAF de Menton et de Montgenèvre, pendant plusieurs heures quand ce n’est pas toute la nuit voire plus et ce, dans des conditions indignes : constructions de quelques mètres carrés sans isolation, pas de couverture, pas de possibilité de s’allonger, pas ou peu de nourriture ni d’eau, conditions d’hygiène déplorables, promiscuité forte entre toutes les personnes (familles, adultes, enfants, hommes et femmes).

En 2017, le Conseil d’Etat avait refusé de sanctionner ces pratiques, estimant qu’elles pouvaient être justifiées tant que la durée de privation de liberté ne dépassait pas une durée dite « raisonnable » de moins de 4 heures. 

Pourtant, le constat de nos associations demeure le même : la privation de liberté quotidienne de dizaines de personnes, pour des durées régulièrement supérieures à 4 heures et dans des conditions indignes.

En dehors de tout cadre légal, cette privation de liberté échappe donc au contrôle juridictionnel et se déroule toujours dans la plus totale opacité. Depuis fin 2019, plusieurs élus se sont vu refuser l’accès à ces locaux (alors qu’ils pouvaient y accéder jusqu’alors) au motif que ceux-ci ne seraient pas des locaux de privation de liberté mais, au contraire, de « mise à l’abri » pour la « sécurité » des personnes exilées. 

En septembre et octobre 2020, des représentantes de l’Anafé et de Médecins du Monde se sont donc présentées aux locaux de la PAF de Menton et de Montgenèvre afin d’apporter assistance juridique et médicale aux personnes y étant « mises à l’abri ». Or, au motif même de la « mise à l’abri » de ces personnes, l’accès leur a été refusé. 

Les 18 et 21 novembre dernier, nos associations ont donc saisi les juges des tribunaux administratifs de Nice et de Marseille afin qu’ils se prononcent sur le droit d’accès des associations dans les lieux privatifs de liberté aux postes de la PAF de Menton pont Saint-Louis et de Montgenèvre. 

Vous avez dit « mise à l’abri » ?

La réalité des personnes étant passées par ces locaux et ayant témoigné auprès de nos associations de ce qu’elles ont subi apparaît clairement très éloignée de ce que supposerait l’idée d’un « abri ». 

Le 8 octobre 2020, Maya*, ressortissante ivoirienne, témoignait de sa privation de liberté de plus de 14h avec ses deux enfants âgés de 3 et 5 ans au niveau du poste de la PAF de Menton. Privée de liberté avec plus de 17 autres personnes, hommes et femmes confondus, dans un petit espace, sans aucun respect des normes de protection sanitaire possible, elle n’a, de plus, reçu aucune nourriture et a témoigné de l’état déplorable des sanitaires. 

En 2019, Alpha*, ressortissant nigérian âgé de 17 ans, témoignait avoir été enfermé dans la nuit du 27 au 28 mai 2019 dans les constructions modulaires attenantes à la PAF de Menton, pendant plus de dix heures. Une dizaine d’adultes étaient enfermés en même temps que lui, dans des conditions exécrables avec des toilettes inutilisables. Il aurait pourtant déclaré sa minorité et exprimé son souhait de demander l’asile en France, sans que cela ne soit pris en compte par les forces de l’ordre.

En 2018, Omar*, ressortissant ivoirien, âgé de 20 ans, témoignait de sa privation de liberté dans les locaux de la PAF de Montgenèvre de 18h à 7h du matin, dans la nuit du 3 au 4 septembre, sans nourriture ni eau. 

Ce ne sont que quelques exemples parmi des centaines…

Pour suivre la campagne contentieuse : #DetentionArbitraire

*Afin de veiller à la confidentialité et l’anonymat des personnes, les prénoms ont été modifiés. 

 

Associations signataires :

Anafé – Association nationale d’assistance aux frontières pour les étrangers

Médecins du Monde

Organisations membres de l’Observatoire de l’enfermement des étrangers : ACAT-France, Avocats pour la défense des droits des étrangers (ADDE), Anafé, Comede, Droits d’urgence, Fasti, Genepi, Gisti, La Cimade, Le Paria, Ligue des droits de l'homme, MRAP, Observatoire Citoyen du CRA de Palaiseau, Observatoire du CRA de Oissel, Syndicat des avocats de France (SAF), Syndicat de la magistrature (SM)

Alliance-DEDF (Alliance des avocats et praticiens du droit des étrangers pour la défense des droits fondamentaux)

Roya citoyenne

Tous Migrants

 

Associations co-signataires :

AdN (Association pour la démocratie à Nice)

ASGI

Emmaüs France

Emmaüs Roya

Kesha Niya Kitchen

We world





Communiqué de presse – 8 juillet 2020
Rétention : la justice se rend à l’intérieur
Les personnes étrangères enfermées dans les centres de rétention administrative payent le prix fort d’une justice dégradée dans les conditions dérogatoires de l’état d’urgence sanitaire : à Hendaye et Oissel des audiences illégales sont organisées dans des lieux de police. Ces pratiques contraires aux grands principes de la justice s’inscrivent dans le contexte d’une politique d’expulsion qui prévoit de les développer durablement.
Dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire, les ordonnances du 25 mars puis du 20 mai 2020 prévoient une organisation dérogatoire de l’ensemble du fonctionnement de la justice [1], avec la possibilité de statuer à juge unique, de réduire la publicité des audiences, d’utiliser un moyen de télécommunication audiovisuelle et même d’entendre les parties par téléphone, voire de ne pas tenir d’audience pour certaines procédures.
Si la plupart de ces dispositions sont à la discrétion des magistrat·e·s, la majorité des personnes étrangères en rétention sont, depuis le début de l’état d’urgence sanitaire, jugées à distance, par visioconférence, par téléphone voire sans audiences.
Les conséquences sont désastreuses pour la défense des droits. Une bonne partie de ces personnes ne maîtrisent pas le français et comparaissent ainsi sans pouvoir comprendre correctement les propos exprimés. La mauvaise qualité des transmissions audiovisuelles, l’absence, parfois, d’interprète, ou l’impossibilité de voir toutes les parties, nuisent fortement au respect du principe d’un procès équitable. La préparation de la défense entre avocat·e·s à distance et personnes enfermées est souvent réduite à quelques minutes. L’utilisation de salles en principe destinées aux entretiens par visioconférence avec l’OFPRA, situées au cœur des centres de rétention, à proximité desquelles se tient la police aux frontières, ne permet pas de garantir la confidentialité des échanges. La publicité des audiences est grandement affectée par ces dispositifs.
À Oissel et Hendaye, les juridictions judiciaires organisent des audiences illégales situées dans des lieux de police.
Fin 2019, la cour d’appel de Pau avait déjà tenu des audiences par visioconférence dans les locaux du commissariat de police d’Hendaye situés dans la même enceinte que le CRA, avant d’abandonner ce procédé illégal dénoncé par de nombreuses organisations. Le 22 juin, à la réouverture du CRA dont l’activité était suspendue depuis mars, cette pratique a repris.
Dans le même temps, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Rouen tenait audience alors que les personnes enfermées se trouvaient dans une petite salle située au sein de l’école de police de Oissel qui dépend du ministère de l’intérieur.
Dans les deux cas des entraves sont constatées pour l’accès du public, ou la transmission des informations et des pièces entre les parties, portant gravement atteinte aux droits de la défense, à un procès équitable et à la publicité des débats.
Dans le contexte d’une politique générale qui ne donne pas les moyens suffisants à la justice pour qu’elle fonctionne correctement, et bien au-delà des réelles contraintes de l’état d’urgence sanitaire, les droits des personnes étrangères en rétention sont en passe d’être durablement sacrifiés au prétexte de la réalisation d’économies qui sont loin d’être toujours démontrées. Cette évolution conduit essentiellement à renforcer la politique répressive menée en matière d’expulsion.
En effet, après la création de salles d’audiences délocalisées à côté des CRA (Mesnil-Amelot, Marseille), le gouvernement compte multiplier ces lieux où la justice est rendue de façon dégradée.
Dans les CRA de Rennes, Toulouse, Lyon et Mayotte des projets de construction sont en cours, avec des bâtiments jouxtant ces lieux de privation de liberté, voire situés sur leur parking. Les personnes y seront jugées par le truchement d’une caméra, à distance des juges, de leur conseil, voire de leur interprète.
Le fonctionnement dérogatoire prévu par l’état d’urgence sanitaire conduit au constat que de telles conditions ne sont pas appropriées à juger dignement des personnes dont le destin est en jeu, souvent précarisées, et dont un grand nombre n’est pas francophone.
Nos organisations demandent au ministère de la justice l’abandon immédiat des pratiques illégales constatées à Hendaye et Oissel ainsi que d’une politique visant à développer et pérenniser une justice au rabais pour les personnes enfermées en rétention menacées d’expulsion.



[1] En application pour la justice un mois après la fin de l’état d’urgence sanitaire, soit le 10 août, sauf pour la Guyane et Mayotte ou l’EUS est prolongé jusqu’à fin octobre en première lecture à l’assemblée le 17 juin.



Enfermement illégal et refoulement toujours d’actualité dans la zone d’attente de Roissy

Communiqué de presse, 23 avril 2020

Depuis fin mars, l’Observatoire de l’enfermement des étrangers ne cesse de demander la fermeture des centres de rétention, les zones d’attente et autres lieux privatifs de liberté où sont enfermées les personnes étrangères. Sa voix s'ajoute à celles de la Commissaire aux droits de l’Homme du Conseil de l’Europe, du Défenseur des droits, de la Contrôleuse générale des lieux de privation de liberté, du Président de de la Commission nationale consultative des droits de l’homme et de bien d'autres défenseurs des libertés encore.

En dépit de ces appels pressants, l’administration s'obstine à maintenir des personnes étrangères enfermées en zone d'attente de Roissy-Charles de Gaulle, en toute illégalité pour certaines d'entre elles, bloquées dans les salles d'embarquement, et dans des conditions indignes pour toutes, y compris celles qui sont placées dans le lieu d’hébergement de la zone d’attente, la "ZAPI 3".

La situation dans l'aérogare

Dès le 20 mars, dans une lettre ouverte au Premier ministre, l’Anafé s’inquiétait des risques de violation du principe de non refoulement et de privation de liberté arbitraire dans les salles d’embarquement de l’aéroport. Il s'agissait de l'alerter sur les pratiques de "refoulement à chaud" de la police aux frontières (PAF) consistant à refuser l'accès au territoire sans pour autant notifier formellement aucune décision.

Ces craintes ont été confirmées la semaine dernière : des personnes ont été contraintes de rester dans les salles d’embarquement, après que la police leur ait de facto opposé un refus implicite d’admission sur le territoire.

Le 16 avril, une dizaine de personnes sont ainsi restées toute la journée et toute la nuit dans la salle d’embarquement du terminal 2F. Elles n'ont eu aucune possibilité de prendre une douche ou de se changer. Un simple sandwich, une bouteille d’eau, des chips et une petite couverture leur ont été fournis par le personnel de l’aéroport, sans que la PAF s'en soit préoccupée un seul instant. Elles n'ont été dotées d'aucun matériel de protection et ce, alors que les gestes barrières et mesures de protection contre la propagation du virus ne peuvent évidemment pas être respectés en aérogare.

Le seul objectif de l'administration consiste manifestement à contraindre ces personnes à prendre de leur propre initiative et à leurs frais l'un des quelques vols qui continuent à être opérés au départ de Roissy.

A la détention arbitraire, s'ajoute ainsi un total mépris pour les préoccupations de santé publique.

La situation en ZAPI 3

Pendant près d’un mois, entre une et cinq personnes étaient maintenues chaque jour en ZAPI 3. Depuis lundi 20 avril, ce sont plusieurs dizaines de personnes qui y sont enfermées : 19 personnes lundi, 14 personnes mardi 21 avril et 15 mercredi 22 avril.

A l’heure actuelle, des ressortissants européens ou des personnes titulaires de titre de séjour dans un pays membre de l’Union, y compris des personnes présentant des problèmes de santé, sont enfermées dans la zone d’attente, dont une petite fille de 6 ans et un bébé de 6 mois avec leurs mamans.

Depuis un mois, des avocats du barreau de Bobigny saisissent sans relâche et en vain le juge administratif pour qu’il mette fin à l’enfermement de ces personnes. Quelles que soient les situations présentées, ce sont près de 40 référés qui ont jusqu’à présent été rejetés.

Cette résistance du juge administratif est d'autant plus incompréhensible qu'il laisse ainsi perdurer une absurde privation de liberté : le juge des libertés et de la détention du tribunal de Bobigny ayant suspendu ses audiences du fait du confinement, les personnes maintenues en zone d'attente devront, quoi qu'il arrive, être libérées à l'expiration du délai de quatre jours au delà duquel il doit autoriser la prolongation de ce maintien. Quatre jours pendant lesquels ces personnes resteront regroupées dans des conditions qui ne leur permettent pas de se protéger contre le virus : pas de gel hydroalcoolique, pas de masques et pas de gants disponibles pour les personnes enfermées dans la ZAPI ! 

Est-ce à dire que l’administration n'organise ces privations de liberté dans ces conditions sanitaires indignes que pour favoriser la propagation du Covid 19 au sein de la zone d'attente et, plus largement, de l'aérogare ?

Ces pratiques dégradantes et illégales de la PAF ne sont pas sans rappeler la fin des années 1980 qui ont précédé la création du cadre juridique instituant la zone d’attente. L'illégalité de la situation qui prévalait alors avait été sanctionnée. Celle qui prévaut aujourd'hui devrait l'être tout autant.

Faute de juge pour s'en charger, l’OEE demande une nouvelle fois la fermeture des zones d’attente et de tous les lieux privatifs de liberté.


Organisations membres de l’Observatoire de l’enfermement des étrangers :ACAT-France, Avocats pour la défense des droits des étrangers (ADDE), Anafé, Comede, Droit d’urgence, Fasti, Genepi, Gisti, La Cimade, Ligue des droits de l'homme, MRAP, Observatoire Citoyen du CRA de Palaiseau, Syndicat des avocats de France (SAF), Syndicat de la magistrature (SM)


Contacts presse :

Laure Palun, Anafé : 06 60 79 46 63 – palun.laure@anafe.org



Fermeture des CRA :
en temps de confinement, plus que jamais une exigence impérieuse !


Dès le 18 mars 2020, l'Observatoire de l'enfermement des étrangers (OEE)[1] appelait le gouvernement à faire immédiatement cesser l'enfermement des personnes étrangères retenues dans les centres et locaux de rétention administrative, dans les zones d’attente et au poste de police de Menton pont Saint-Louis. Il soulignait déjà que leur libération s’imposait dans le contexte de lutte contre la pandémie du Covid 19 : d’une part, parce que la fermeture des frontières et la mise à l'arrêt du trafic aérien privent la rétention de sa justification – expulser les étranger.es –, d’autre part parce que ces lieux de privation de liberté sont propices à la propagation rapide du virus[2].

Dans de nombreux cas, les juges chargé·es de vérifier les conditions d’enfermement des personnes retenues ont précisément refusé, pour ces deux raisons, de les maintenir en rétention[3].

Le gouvernement est resté sourd à ces alertes : de nombreuses personnes ont continué d'être retenues ou placées dans des CRA, le plus souvent après avoir été transférées depuis un établissement pénitentiaire où elles avaient définitivement purgé leur peine. C'est pourquoi plusieurs organisations membres de l'OEE, accompagnées du Conseil national des barreaux (CNB), ont saisi le Conseil d'État d'une requête en référé liberté afin de voir ordonner la fermeture des centres de rétention administrative (CRA).

Dans son ordonnance du 27 mars, le Conseil d’État a rejeté cette requête. Accordant un crédit inconditionnel aux affirmations du ministre de l’intérieur, il a considéré :
- qu'il n'y avait "pas de carences dans l’accès aux soins des personnes retenues"
- que des instructions avaient été diffusées pour "l’observation des mesures d’hygiène et une répartition spatiale de l’occupation à l’intérieur des centres"[4].

Les informations et témoignages recueillis depuis lors sur la situation dans les CRA montrent que le Conseil d'État a entériné le principe d’une « protection au rabais pour les étranger.es »[5]. Les retenu·es aux CRA de Oissel et du Mesnil Amelot, les représentant·es des associations intervenant au CRA de Vincennes ou de soutien aux personnes qui y sont retenues, les député·es et élu·es qui ont visité les CRA de Cornebarrieu et du Mesnil-Amelot,[6] tous et toutes apportent un démenti formel aux assurances du ministre et établissent clairement :
- que les retenu·es sont maintenu·es dans une promiscuité et dans des conditions d'hygiène déplorables, incompatibles avec les recommandations de distanciation sociale et de protection individuelle ;
- que les mesures sanitaires de prévention contre la diffusion du Covid-19 ne sont pas et ne peuvent pas être mises en place compte tenu de la configuration des lieux et des modalités de fonctionnement des centres ;
- que ni les retenu·es, ni les personnels de service, ni les effectifs de police ne sont doté·es de masques et de produits désinfectants ;
- que la mise en danger de contamination de l'ensemble des personnes présentes est permanente ;
- que plusieurs cas de contamination au Covid 19 ont au demeurant été confirmés, notamment de trois personnes retenues au CRA de Vincennes, dont une depuis le 7 mars.

Dans son ordonnance du 27 mars, le Conseil d'État a également justifié l’inconcevable refus du gouvernement de fermer les centres de rétention au motif que l’administration avait pu procéder, dans la période récente, à des expulsions "en dépit des restrictions mises par de nombreux Etats à l’entrée sur leur territoire et de la très forte diminution des transports aériens". Depuis lors et selon nos informations, aucune expulsion n'a été réalisée - à l’exception d'une expulsion vers le Brésil … depuis la Guyane - faute de vols disponibles ou d'accord des pays de renvoi. Que les personnes encore retenues dans les CRA soient, ou non, d'ancien·nes détenu·es n'y changera rien : leur expulsion reste impossible et leur rétention privée de base légale.

Les lettres ouvertes, les pétitions, les interpellations directes des préfets se multiplient. Les personnes retenues, excédées et désespérées, s’organisent pour lutter collectivement contre cette aberration. Il faut se rendre à l'évidence : l'obstination du gouvernement défie tous les principes aussi bien que le bon sens. Ni les centres et locaux de rétention ni les zones d’attente, ne sont des centres de confinement. En y maintenant coûte que coûte et côte à côte, dans des conditions matérielles honteuses, des étranger·es qu’il ne pourra pas expulser, le personnel assurant les services de livraison et d'entretien des locaux et des effectifs de police qui vont et viennent quotidiennement - tou·tes et tous privé·es des dispositifs de protection qu’il recommande ailleurs - il brave les principes de précaution sanitaire élémentaires et expose toutes ces personnes à des risques de contamination majeurs.

C'est ce qu'a déjà admis, le 15 avril, le juge des référés du tribunal administratif de Paris en estimant que « le préfet de police (…) entretient le foyer de contamination qui a été récemment identifié au sein de ce centre, et méconnaît de ce fait les impératifs de santé publique qui s’imposent à lui en vertu de l’état de catastrophe sanitaire mettant en péril la santé de la population ».

L’état d’urgence sanitaire doit agir comme un révélateur : les CRA et autres lieux où sont parqués les étranger·es, sont incompatibles avec le respect des droits. Sans plus attendre, leur fermeture s’impose. Mais au-delà de la période de crise que nous traversons, qui en démontre de façon criante le caractère discriminatoire et mortifère, il faut en finir avec l’enfermement administratif des étranger·es.

                                                                                                                                                                                 Paris, le 16 avril 2020





VOIR ANNEXES PAGES SUIVANTES


ANNEXES

(1) TÉMOIGNAGES

Témoignages de retenus aux CRA de Oissel (29 mars)
- « Ici tout est fermé, tout. Y'a rien qui est aéré ya pas de vent qui sort dehors pour pouvoir aérer la cellule. Ça veut dire on est tous comme si on était dans un sac-poubelle fermé quoi ! Enfermés avec le virus qui se multiplie. On utilise tous le même téléphone [cabines téléphoniques du centre], ça veut dire que quand y'a un mec qui décroche, qui parle, et qu'il y a un autre mec qui prend le téléphone après, et ben y'a tous les microbes laissées par le premier mec. Et ainsi de suite, et ainsi de suite, le virus, il se propage. Même pas de désinfectant pour nettoyer les cabines ».
- « Il n’y a pas de médecin. Il y a une infirmière, quand t'as mal, quand on a des symptômes tout ça, elle donne des doliprane c'est tout, elle peut rien faire d'autre. Même elle, elle te dit : « Mais moi je suis en bas de l'échelle. Et moi aussi je peux vous contaminer parce que je vais chez moi, je vais voir mes enfants, je vais dehors et après je suis parmi vous tous les jours. »

Témoignages de retenus au CRA du Mesnil-Amelot,  30 mars
« On a peur de la contamination du coronavirus. Il y a encore de nouvelles arrivées. Ici il n’y a pas d’hygiène, donc c’est plus risqué que dans d’autres endroits. Y a pas de vol, y a rien ici. Pourquoi on est là encore ? »

Visite du député européen Manuel Bompard au CRA de Cornebarrieu, 2 avril
« (...) l’organisation physique des bureaux ne permet absolument pas aux agents, pourtant nombreux, de respecter les distances sociales nécessaires. J’ai ensuite constaté qu’aucun des membres du personnel nous accueillant ne portait de masque. Ce ne sera finalement le cas d’aucune des personnes que j’ai croisées au cours de la visite. Aux dires des gardiens, seul le personnel médical du centre, que je n’ai pas pu rencontrer, dispose d’un tel équipement qui lui a été fourni par le centre hospitalier de Toulouse. Il m’a été indiqué que les sous-traitants travaillant sur les lieux ne disposaient pas non plus de protocoles sanitaires particuliers. Les salariés de l’entreprise en charge de la préparation et de la livraison des repas ne disposent par exemple pas de masques. Seule la personne servant les repas en dispose d’un … qu’elle s’est procuré elle-même (…) Bref, j’ai pu constater sur place que les conditions sanitaires n’étaient pas acceptables. Elles constituent bien sûr une mise en danger des retenus, mais aussi des personnes travaillant sur les lieux. »

Témoignage de retenu au CRA du Mesnil-Amelot, 6 avril
Y a des gros problèmes sanitaires : c’est sale. Y a des gens qui toussent donc c’est bizarre comme ambiance ici. On vit tous dans le même pays mais pas dans la même situation. On confine les gens dehors. Ici,  le coronavirus le virus n’existe pas: vous mangez dans la salle à manger où vous êtes plus de 25. Les policiers sont en face de vous et ne sont pas masqués. Ils viennent de l'extérieur eux. Tous les jours il y a des gens qui arrivent.

Selon l'Assfam, à propos de la situation au CRA de Vincennes, 9 avril
« Une personne retenue vient d'être testée positive au Covid-19 dans les CRA de Paris-Vincennes, où 54 personnes sont encore enfermées (…) La santé et la vie des personnes retenues sont mises en danger dans ces centres, où les mesures sanitaires de prévention et protection contre le Covid-19 ne sont pas, et ne peuvent pas, être mises en place». (Infomigrants, 10 avril)

Plainte déposée par l’association Sôs Soutien Ô sans-papiers à propos de la situation dans le CRA de Vincennes, 10 avril
« Les conditions sanitaires dans ce centre sont déplorables. Il n'y a pas de gel hydroalcoolique et quelques masques sont arrivés il y a trois jours seulement. Le confinement et la distance entre les retenus sont impossibles à respecter du fait de la configuration des lieux.
Au vu de la chronologie, il est plus que probable que la majorité des personnes infectées l'ont été pendant leur séjour au centre de rétention. Il est d'ailleurs surprenant qu'aucun retenu n'ait été hospitalisé malgré la présence de plusieurs facteurs de comorbidité tels que des affections respiratoires chroniques. Les retenus ne disposent pas d'un réel accès aux soins et n'ont pas la possibilité de recourir aux services d'un interprète ».

Visite de deux élus, Pascal Troadec et Éric Coquerel, au CRA du Mesnil-Amelot, 12 avril
Les élus ont également eu confirmation que les consignes minimales de sécurité ne peuvent être observées. Personne ne porte de gants ni de masques, ni les retenus ni les policiers. L’adjoint avait emporté avec lui soixante masques, il raconte que les fonctionnaires étaient aussi contents que les retenus de les récupérer. « Par ailleurs, nous avons pu vérifier que, dans plusieurs cellules, les hommes sont à deux, voire à trois. Dans la salle de télévision, impossible d’observer les distances et je ne vous parle pas du risque de transmission dans les toilettes avec leur état. » (Mediapart, 13 avril)


(2) DÉCLARATIONS, APPELS ET PÉTITIONS POUR LA FERMETURE DES LIEUX  D'ENFERMEMENT ADMINISTRATIF DES PERSONNES ÉTRANGÈRES

Commissaire aux droits de l’homme Conseil de l’Europe
La Commissaire appelle à libérer les migrants en détention administrative pendant la crise du Covid-19
https://www.coe.int/fr/web/commissioner/-/commissioner-calls-for-release-of-immigration-detainees-while-covid-19-crisis-continues

 

Tribune : Coronavirus : « Sauvegardons les droits fondamentaux pendant la crise sanitaire »


Par Jacques Toubon Défenseur des droits Adeline Hazan Contrôleuse générale des lieux de privation de liberté Jean-Marie Burguburu Président de de la Commission nationale consultative des droits de l’homme. 


Défenseur des droits
Covid-19 - Face aux risques de contamination, le Défenseur des droits demande la fermeture des centres de rétention administrative

Contrôle général des lieux de privation des libertés
Situation sanitaire des prisons et centres de rétention administrative : le CGLPL demande la prise de mesures pour la protection des personnes privées de liberté

 

États généraux des migrations de Rouen

Pétition pour la fermeture du Centre de Oissel et de tous les CRA

https://www.change.org/p/préfecture-de-la-seine-maritime-fermeture-des-centres-de-rétention-administrative?recruiter=53558144&utm_source=share_petition&utm_medium=facebook&utm_campaign=psf_combo_share_abi&utm_term=psf_combo_share_initial&recruited_by_id=18787ef0-b617-0130-ea69-3c764e04873b&utm_content=fht-21414836-fr-fr%3Av8


Cercle des Voisins du Centre de Rétention de Cornebarrieu

Fermez les Centres de Rétention !

https://www.change.org/p/emmanuel-macron-fermez-les-centres-de-rétention-557ca213-75a5-4c64-9710-bbbf9bb288fd


Le Paria
Urgent : Fermez les centres de rétention administratives !

Appel de mail bombing par A bas les CRA
Les prisonniers des CRA crient Liberté, faisons de même !
https://abaslescra.noblogs.org/les-prisonniers-des-cra-crient-liberte-faisons-de-meme/

Communiqué des retenus du CRA du Mesnil-Amelot, 12 avril

 


(3) QUESTIONS ÉCRITES AU GOUVERNEMENT DES PARLEMENTAIRES
EN FAVEUR DE LA FERMETURE DES CRA

Question écrite n° 28344 de M. Michel Larive
Date de dépôt : 14/04/2020
étrangers - Rétention des étrangers dans les centres de rétention administrative (CRA) - Rétention des étrangers dans les centres de rétention administrative (CRA)

Question écrite n° 28343 de Mme Elsa Faucillon (GDR) sur le CRA de Vincennes
Date de dépôt : 14/04/2020
étrangers - Fermeture des centres de rétention - Fermeture des centres de rétention

Question écrite n° 28109 de M. Ugo Bernalicis (LFI)
Date de dépôt : 07/04/2020
lieux de privation de liberté - Situation des centres de rétention administrative face à l'épidémie de covid-19 - Situation des centres de rétention administrative face à l'épidémie de covid-19

Question écrite n° 27839 de M. Adrien Quatennens (LFI)
Date de dépôt : 31/03/2020
lieux de privation de liberté - Risques sanitaires pour les personnes retenues au sein des CRA - Risques sanitaires pour les personnes retenues au sein des CRA

Question écrite n° 27712 de Mme Muriel Ressiguier (LFI)
Date de dépôt : 24/03/2020
santé - Covid-19 : faire face à l'urgence ! - Covid-19 : faire face à l'urgence !

Situation des personnes migrantes retenues dans les centres de rétention administrative du territoire français Question n° 15149 posée par Mme Esther Benbassa
(CRCE) En attente de réponse du Ministère de l'intérieur

Fermeture des centres de rétention administrative et épidémie de Covid-19 Question n° 15230 posée par Mme Laurence Cohen (CRCE)
En attente de réponse du Ministère de l'intérieur


(4) INTERPELLATIONS DU MINISTRE DE L'INTÉRIEUR


M. Bertrand Pancher (député Libertés et de Territoires de la Meuse) :
Par ailleurs, pourquoi continuez-vous, en cette période de crise, à vous acharner sur
les migrants ? Quelle logique guide votre action ? Les CRA continuent de fonctionner alors
qu’il est impossible de renvoyer quiconque à l’étranger ; ils contribuent donc à propager la
maladie. Au CRA de Vincennes, une personne a été testée positive au coronavirus, tandis
qu’on a remis en liberté son voisin de chambre, hospitalisé quelques semaines auparavant.
Une telle inconséquence est dramatique. De même, le Gouvernement n’a pas suspendu
l’obligation de pointer dans les préfectures pour les personnes assignées à résidence. Il n’a pas
non plus prolongé les visas de court séjour des personnes dont la santé réclame des soins
urgents. Je ne saurais, enfin, ne pas évoquer la situation catastrophique de Mayotte, où l’eau
se vend au marché noir.

Pierre Dharéville, député GDR des Bouches-du-Rhône :

M. Pierre Dharréville :
S’agissant des étrangers, lorsque des procédures judiciaires ne sont pas envisagées et
en l’absence de perspectives d’éloignement du territoire, il paraît incompréhensible de
poursuivre les mesures de placement et de maintien en rétention.







[1]Organisations membres de l'OEE : ANAFE, Avocats pour la défense des droits des étrangers (ADDE), COMEDE, Droits d'urgence, FASTI, Genepi, GISTI, La Cimade, Ligue des droits de l'homme, MRAP, Observatoire citoyen du CRA de Palaiseau, Syndicat de la magistrature (SM), Syndicat des avocats de France (SAF)
[2]OEE, Face à la crise sanitaire, l’enfermement administratif des personnes étrangères doit immédiatement cesser, 18 mars 2020, http://observatoireenfermement.blogspot.com
[3]Cour d’appel de Rouen, 31 mars 2020  : « la privation de liberté ne peut perdurer sans perspective minimum d’éloignement. Au surplus, M. X se trouve en France où le virus est actif et la pandémie n’a pas atteint son pic ; il est placé en rétention depuis le 23 mars 2020 après avoir été détenu depuis le 27 février 2020 en maison d’arrêt où les mesures contre la contamination ne sont pas optimales ».
[4]Conseil d’État, ordonnance du 27 mars 2020, Gisti et autres, N° 439720.
[5]ADDE, CIMADE, GISTI, SAF et CNB, Le Conseil d’État refuse la fermeture des centres de rétention : une protection au rabais pour les étrangers, 30 mars 2020, https://www.gisti.org/spip.php?article6346
[6]Voir le détail de leurs témoignages et déclarations en annexe




Face à la crise sanitaire, l’enfermement administratif des personnes étrangères doit immédiatement cesser

Communiqué de presse, 18 mars 2020


Alors que dans son discours du 16 mars, le Président de la République Emmanuel Macron appelle à faire preuve « d’esprit solidaire et de sens des responsabilités » et à l’heure où le pays entre dans une période de confinement, l’Observatoire de l’enfermement des étrangers (OEE) s’alarme de voir que des personnes (hommes, femmes, enfants) sont toujours privées de liberté dans les centres de rétention administrative (CRA), les locaux de rétention administrative (LRA), les zones d’attente (ZA) et les constructions modulaires du poste de police de Menton pont Saint-Louis.

Leur libération immédiate est une exigence absolue, tant juridique que sanitaire.

Des personnes auxquelles il est seulement reproché de ne pas justifier de la régularité de leur entrée ou de leur séjour en France ne peuvent être enfermées en zone d'attente ou en rétention que le temps strictement nécessaire à l’organisation de leur départ et à la condition expresse qu'il existe des perspectives raisonnables que ce départ puisse être effectif à brève échéance[1].
Or, l'éloignement de ces personnes est impossible, aujourd'hui et pour les semaines à venir et ce, pour deux raisons. D'abord parce que la plupart des liaisons aériennes avec les pays vers lesquels elles devaient être renvoyées ont été interrompues. Ensuite parce que leur éloignement du territoire serait contraire aux recommandations de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) qui visent à limiter les risques d’exportation ou d’importation de la maladie.
La privation de liberté subie par ces personnes ne répond donc pas aux conditions prévues par les textes applicables aux droits des étrangers en France et leur est imposée en violation de leurs droits fondamentaux.

Au plan sanitaire, la nécessité de leur libération est tout aussi impérieuse :
- Aucune mesure satisfaisante ne semble avoir été mise en place, ni pour les protéger ni pour protéger les personnes qui gèrent ces lieux d'enfermement ou y interviennent quotidiennement contre les risques de contamination ;
- Il n’existe pas, notamment, de protocole permettant de s’assurer que tant les personnes étrangères qui arrivent en CRA, LRA et ZA que les personnels qui y pénètrent ne sont pas porteuses du virus ;
- Les prescriptions du ministère de la santé ne peuvent pas être respectées dans ces lieux de promiscuité, qu'il s'agisse de la "distanciation sociale" ou des gestes barrières ;
- Les personnes enfermées ne sont pas toujours informées des risques liés à la contamination par le Covid-19 et des mesures mises en place par le gouvernement ;
- Enfin, l’insuffisance de l’action des pouvoirs publics et les risques qu'elle fait courir à leurs intervenants a contraint la plupart des associations qui apportent leur aide aux personnes étrangères en rétention ou en zone d'attente à s'en retirer.
Depuis la semaine dernière, la situation sanitaire gravement dégradée de ces lieux d'enfermement perdure en contradiction avec les durcissements des mesures prises pour protéger la population à l'extérieur.

Une situation similaire se joue actuellement dans les prisons. La Garde des Sceaux vient d’annoncer des mesures pour éviter la propagation du virus en restreignant tous les contacts des détenus avec l’extérieur (suspension des parloirs et des activités socio-culturelles notamment). Cependant encore aujourd’hui, aux centres pénitentiaires de Fresnes et de la Santé, les personnels pénitentiaires, au contact des détenus, ne disposent ni de gants ni de masques pour se protéger et protéger les détenus. Par ailleurs, ces derniers ne reçoivent aucune information sur l’évolution des mesures et de la situation. Cette mesure du ministère de la justice, va renforcer encore un peu plus l’opacité de ces lieux, sans aucune certitude quant au respect des droits les plus élémentaires des personnes détenues ou des personnels.

Ainsi, la privation de liberté des personnes étrangères dans les CRA, LRA, ZA ou autres lieux privatifs de liberté porte gravement atteinte au principe de précaution et à l’impératif constitutionnel de santé publique.

Prenant en compte la mise en danger des personnes retenues comme des personnels des centres, des juges des cours d'appel de Bordeaux, Paris et Rouen ont commencé d'assumer leurs responsabilités en décidant de remettre en liberté des personnes dont l’administration entendait prolonger l’enfermement.

Il serait inconcevable que le gouvernement ne prenne pas au plus vite l'initiative d'une libération générale et inconditionnelle de toutes les personnes étrangères privées de liberté et ainsi particulièrement exposées au risque sanitaire.



Organisations membres de l’Observatoire de l’enfermement des étrangers :

ACAT-France, Avocats pour la défense des droits des étrangers (ADDE), Anafé, Comede, Droit d’urgence, Fasti, Genepi, Gisti, La Cimade, Ligue des droits de l'homme, MRAP, Observatoire Citoyen du CRA de Palaiseau, Syndicat des avocats de France (SAF), Syndicat de la magistrature (SM)



Contacts presse :
- Laure Palun, Anafé : 06 60 79 46 63 – palun.laure@anafe.org
- Rafael Flichman, La Cimade : 06 42 15 77 14 – rafael.flichman@lacimade.org





[1]Articles L 221-1, L 551-1 et L 561-2 du Ceseda

Val-de-Marne : la préfecture viole le droit d’asile

Le 14 novembre 2019, la préfecture du Val-de-Marne a bafoué le droit d’asile en expulsant vers son pays d’origine un ressortissant vénézuélien dont la demande d’asile était en cours d’examen, en violation des textes nationaux, européens et internationaux de protection des droits de l’Homme.
Incarcéré au centre pénitentiaire de Fresnes, M. V avait obtenu difficilement l’enregistrement de sa demande d’asile par la préfecture du Val-de-Marne, et ce, seulement après qu’une action devant le tribunal administratif de Melun ait été engagée en mars 2019 ; action soutenue par Droits d’Urgence, l’OIP-SF, La Cimade et le Gisti [1].
La justice avait ainsi reconnu l’application du droit d’asile en prison et enjoint à l’administration d’enregistrer les demandes dans un délai de 48 heures. M. V. s’était alors vu remettre une attestation de demande d’asile valable jusqu’au 6 décembre 2019. Il était par ailleurs convoqué à l’OFPRA le 25 novembre 2019, soit quelques jours après sa libération prévue le 14 novembre.
Pourtant, c’est avec un laconisme déroutant que la préfecture du Val-de-Marne informait l’une de nos organisations le 19 novembre, qu’en exécution d’une mesure d’interdiction judiciaire du territoire français, M. V. avait été embarqué illégalement pour Caracas le jour de sa libération, quelques jours avant son entretien avec l’OFPRA.
Or, le statut de demandeur d’asile impose le maintien sur le territoire au moins jusqu’à ce qu’il soit statué sur la demande, quand bien même la personne ferait l’objet d’une décision de reconduite à la frontière.
En procédant à l’éloignement d’un demandeur d’asile onze jours avant son audition devant un officier de protection de l’OFPRA chargé d’évaluer ses craintes de persécution dans son pays d’origine, l’autorité préfectorale s’est une nouvelle fois affranchie de la loi. Elle ne peut justifier cette atteinte à un droit fondamental par son inattention ou son incompétence, surtout quand elle expose une personne à des persécutions, des traitements inhumains ou une éventuelle atteinte à sa vie.
En agissant comme elle l’a fait, la préfecture du Val de Marne n’a pas seulement violé le droit, elle a aussi sapé la confiance que l’administration doit inspirer : l’autorité préfectorale est comptable de la crédibilité des institutions, dont la légitimité impose, dans un État de droit, le respect de la légalité.
Cet évènement, que la préfecture du Val-de-Marne tente de minimiser en invoquant une négligence, est très grave : le droit d’asile ne s’arrête pas aux portes des prisons, des centres de rétention et des zones d’attente !
L’OEE est d’autant plus déterminé à combattre les pratiques illégales dont les demandeurs et demandeuses d’asile sont victimes qu’elles les exposent à être renvoyées, comme M. V., vers des pays où ils et elles ont tout lieu de craindre des persécutions. 
25 novembre 2019
Organisations membres de l’OEE : 
ACAT, ANAFE, Avocats pour la défense des droits des étrangers (ADDE), COMEDE, Droits d’urgence, FASTI, Genepi, GISTI, La Cimade, Ligue des droits de l’homme, MRAP, Observatoire citoyen du CRA de Palaiseau, Syndicat des avocats de France (SAF)



16 octobre 2017
 
Etrangèr-e-s : la politique du rejet

Le 27 septembre 2017, la Cour de cassation rendait un arrêt remarqué dont la solution conduit à invalider le placement en rétention administrative de nombreux demandeurs d’asile devant être renvoyés dans le premier pays d’Europe par lequel ils avaient transité, en application du règlement de Dublin.

Le répit sera toutefois de courte durée. Dans le même temps, une amplification de la politique du rejet et de l’éloignement se trame en coulisse. Au delà des discours, elle se manifeste tous azimuts.

Par l’élargissement, presque illimité, des possibilités de contrôle d’identité frontalier dans le projet de loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, dont le champ géographique est étendu, tout comme la durée, passant de six heures à douze heures consécutives. La prévention de la criminalité transfrontalière sert de prétexte fort commode à cette extension incontrôlée : l’affirmation textuelle de cet objectif est de pure forme et sera vite éclipsée par les pratiques et leurs motivations évidentes, faire du chiffre migratoire.

Par la banalisation sans précédent de l’enfermement des étrangèr-e-s en situation irrégulière, qui constituerait l’une des mesures phares du projet de loi relatif à l’immigration à venir, selon l’AFP. Passant à 90 jours, voire à 135 jours en cas d’obstruction, la durée de la rétention administrative atteindrait des sommets inégalés, plus du triple de ce qu’elle était avant 2011 Le texte viserait également à contrer les effets de la jurisprudence précitée concernant les « dublinés » et à renvoyer dans des pays « tiers sûrs » un nombre important de demandeurs d’asile.


Après le drame de Marseille, Gérard Collomb vient également d’annoncer la création de 200 places supplémentaires en centre de rétention et le renforcement des services des étrangers des préfectures pour systématiser l’enfermement dans un amalgame scandaleux entre étrangèr-e-s en situation irrégulière et terroristes.

Par le développement de nouveaux dispositifs facilitant l’expulsion. La lecture du projet de loi de finances pour 2018 nous apprend la création de centres d’assignation à résidence près des aéroports et la généralisation de centres de retour un peu partout en France.

L’observatoire de l’enfermement des étrangers s’insurge contre cette quête obsessionnelle de l’enfermement des exilés, sur la seule base du caractère irrégulier de leur séjour en France. La précipitation avec laquelle ce gouvernement expulse et amplifie les dispositions passées sans discernement au nom de présupposés idéologiques, mérite la plus ferme dénonciation, afin que ce funeste brouillon ne serve de trame aux projets de lois annoncés.


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23 juin 2015
L’autre face du plan Cazeneuve : enfermer toujours plus les personnes migrantes



Les mesures prises en urgence par le gouvernement, pour pallier le scandale public des conditions d’accueil des migrants rescapés des drames aux frontières de l’Europe, s’accompagnent d’un volet répressif que l’Observatoire de l’enfermement des étrangers entend dénoncer.


Prétendant « doser accueil des réfugiés et fermeté », le ministre annonce « une mobilisation de nos forces, de nos préfets pour interpeller davantage, faire des procédures et placer ceux qui doivent l'être en rétention », ajoutant qu'il entend « optimiser les capacités de rétention administrative ». Il s’agit d’enfermer pour tenter d’expulser toujours plus de migrants, une fois le tri effectué entre les présumés demandeurs d’asile et les autres.
Cette opposition de principe entre deux catégories figées, migrants économiques ou réfugiés, traduit une vision binaire réductrice et simpliste de la réalité des mouvements migratoires actuels. Elle conduit à faire subir à des milliers de personnes la violence de l’enfermement et d’une expulsion, ou de sa menace, au détriment de leurs droits fondamentaux et ne répond manifestement pas aux défis posés par les questions migratoires en France et en Europe aujourd’hui.


Flagrante illustration des abus et de l’absurdité de cette politique, des Érythréens, des Soudanais, des Afghans sont quotidiennement interpellés puis conduits de force en centres de rétention. Dernier épisode en date, le placement en rétention d’une quarantaine de ces ressortissants arrêtés à Calais jeudi 18 juin. Réfugiés en puissance, certains cherchent asile ailleurs qu’en France, d’autres n’ont pas pu déposer de demande avant leur interpellation. Ces tentatives d’expulsion sont vouées à la condamnation désormais habituelle des juridictions administratives, judiciaires ou de la Cour européenne des droits de l’homme. Ces personnes seront sans doute relâchées après avoir subi une privation de liberté abusive et la perspective angoissante d’une expulsion vers leur pays. Pour rien.


Nous sommes loin des assurances du gouvernement qui parle de mesures prises « dans le strict respect des droits et du droit de ceux qui ont été poussés sur les chemins de l’exode »



Les associations de l’OEE dénoncent depuis plusieurs années le caractère abusif que revêt ce recours à l’enfermement administratif et les violations graves et récurrentes qu'elle entraîne à l'encontre des droits des ressortissants de plus de 100 pays. Elles rappellent que ces mesures graves de privation de liberté ont concerné près de 50 000 personnes chaque année en métropole et Outre-mer. Un chiffre sans commune mesure avec ce qui se passe dans d’autres pays européens et qui n’a fait que s’accroître avec l’actuel gouvernement.  



A l’heure où le projet de loi immigration arrive en discussion devant l’Assemblée nationale, ce choix du gouvernement de recourir plus encore à l’enfermement des migrants est un très mauvais signe. Le projet de loi contient des dispositions qui dotent les préfets de pouvoirs coercitifs augmentés pour enfermer, assigner à résidence et expulser en contournant les recours à la justice. Allant en sens contraire des engagements pris par le candidat Hollande, cette politique ne fait que conduire à la banalisation de cette politique d’enfermement.



L’OEE appelle à la fin de cette politique d'enfermement, emblématique des pratiques administratives les plus abusives,  et demande aux parlementaires de replacer au cœur de ces dispositions le respect des droits et de la dignité des personnes.

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10 octobre 2013 

Justice des étranger-e-s. Le 14 octobre : loin des tribunaux, proche de la police.

Lundi 14 octobre se tiendra la première audience dans l'annexe du tribunal de grande instance de Meaux accolée au centre de rétention administrative (CRA) du Mesnil-Amelot, le plus grand de France, où sont enfermé-e-s des étranger-e-s en attente d'éloignement forcé.

Ni Manuel VALLS ni Christiane TAUBIRA n'auront donc été ébranlés par la forte mobilisation suscitée par les projets d'ouverture de cette annexe et de celle programmée dans la zone d'attente de l'aéroport de Roissy-Charles de Gaulle. Seule concession : un report de quinze jours de l'ouverture de la salle d'audience du Mesnil-Amelot - initialement fixée au 30 septembre -, l'administration ayant omis de faire connaître cette date d'ouverture à La Cimade et aux ordres des avocats, ce qui démontre le peu de considération accordée aux droits de la défense.

Les ministres restent ainsi sourds aux appels que leur ont personnellement adressé la Commission Nationale Consultative des Droits de l'Homme (CNCDH), le Conseil National des Barreaux (CNB) et de très nombreux parlementaires, élus, personnalités, associations ... (cf, annexe : récapitulatif de l’ensemble des interventions et interpellations).

Située à proximité immédiate des pistes de l’aéroport de Roissy et dans les locaux d’une caserne de CRS, l'annexe du Mesnil-Amelot accueillera donc à partir de lundi les audiences du juge des libertés et de la détention (JLD), et potentiellement celles du juge administratif, chargés de se prononcer sur le maintien en rétention des étranger-e-s que l'administration veut éloigner de notre territoire. Jusqu'ici, ces audiences se tenaient au sein du tribunal de Meaux situé à une trentaine de kilomètres, dans un lieu de justice commun à tous les justiciables. Désormais, les étranger-e-s retenus au CRA du Mesnil-Amelot relèveront de ce tribunal d’exception.  

Au choc d’un enfermement souvent incompréhensible, s’ajoute pour les étranger-e-s l’isolement d’une justice rendue loin des tribunaux et sous le seul regard de l’administration et des forces de l’ordre.



Par ailleurs, très peu desservies par les transports en commun, ces annexes judiciaires seront difficilement accessibles aux familles et aux avocat-e-s des personnes.



Ce sont plus de 3000 personnes placées au CRA du Mesnil-Amelot et près de 7000 maintenues en zone d’attente de Roissy qui seront susceptibles d’être présentées chaque année devant ces tribunaux d’exception.


Ces projets, initiés par la majorité précédente, sont indignes d’une justice respectueuse des standards internationaux les plus fondamentaux.

Parce que la délocalisation de ces audiences dans des lieux de police heurte les principes d’indépendance et d’impartialité de la justice, parce qu'elle compromet la publicité des audiences, garantie pourtant essentielle du droit à un procès équitable, l’Observatoire de l’enfermement des étrangers (OEE), ainsi que l'ensemble des associations et syndicats signataires, dénoncent la mise en place de cette justice d’exception et demandent au gouvernement d'y renoncer. 


Organisations signataires membres de l'OEE:

ACAT-France, Avocats pour la défense des droits des étrangers (ADDE), Association nationale d'assistance aux frontières pour les étrangers (Anafé), COMEDE, FASTI, Genepi, GISTI, La Cimade, Ligue des droits de l'homme, MRAP, Observatoire Citoyen du CRA de Palaiseau, Revue Pratiques, Syndicat des avocats de France (SAF), Syndicat de la magistrature (SM), Syndicat de la médecine générale (SMG)


Autres signataires :


Observatoire Citoyen de la Rétention 77, Réseau éducation sans frontières (RESF),  Réseau Education Sans Frontières 77, Syndicat national CGT des chancelleries et services judiciaires, Union syndicale des magistrats administratifs (USMA)

                                                                                                                              

13 mars 2013

Pénalisation des étrangers : « tout changer pour que rien ne change » ?

Contraint de se plier aux décisions de la Cour de justice de l’Union européenne, le gouvernement a fait adopter la loi du 31 décembre 2012 supprimant le délit de séjour irrégulier.
Une rupture avec la ligne de fermeté envers les étrangers en situation irrégulière ? Un pas vers plus d’humanité dans une logique de protection des droits fondamentaux ? Ce n’est malheureusement pas le cas.
  • Pour pallier la suppression du délit de séjour irrégulier, des infractions demeurent ou sont mises en place. C’est ainsi que l’article L. 621-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (Ceseda) prévoit toujours la répression de l’entrée irrégulière et que la loi du 31 décembre 2012, reprenant d’une main ce qu’elle donne de l’autre, introduit une infraction de résistance passive à une mesure d’éloignement ou d’assignation à résidence (nouvel alinéa 1 ajouté à l’article L. 624-1 du Ceseda) : une façon de ne pas heurter de front la jurisprudence de la Cour de Luxembourg ;
  • La garde à vue des étrangers, rendue impraticable du fait de la dépénalisation du séjour irrégulier, est remplacée par une mesure de retenue administrative qui en est la copie quasi conforme : les services de police peuvent continuer de remplir les centres de rétention et les salles d’embarquement en tout confort.

L’essentiel répressif étant ainsi préservé, ce même gouvernement aurait pu se montrer plus compréhensif dans le traitement des conséquences réglementaires et administratives de ce tour de passe-passe législatif. Il n’en est rien.

  • Le décret n° 87-249 du 8 avril 1987 portant création du fichier automatisé des empreintes digitales (FAED) n’autorise que l’enregistrement de données destinées à permettre l’identification d’auteurs de crimes ou délits ; il est donc en toute logique devenu inutilisable pour identifier les étrangers en situation de séjour irrégulier. Qu’à cela ne tienne, le ministère de l’intérieur prépare un décret élargissant l’objet du FAED, qui permettra de continuer à traiter leurs empreintes comme s’il s’agissait de délinquants ;
  • Les dépenses médicales et d’interprétariat engagées dans le cadre des nouvelles mesures de retenue administrative ne peuvent plus constituer des frais de justice, car ne se rattachant plus à la recherche d’auteurs d’infraction ; le ministère de la justice demandait donc que la logique budgétaire soit respectée et que le ministère de l’intérieur les prenne en charge. Matignon a pourtant tranché : ces dépenses continueront d’être imputées sur les frais de justice correctionnelle.
Ainsi, malgré la suppression du délit de séjour irrégulier, la pénalisation des étrangers continue d’imprégner la loi jusque dans ses moindres détails.
 
Les organisations soussignées dénoncent le double langage du gouvernement consistant à invoquer « l'humanité » à l'égard des étrangers - qui accompagne « la fermeté » comme une sœur jumelle dans sa rhétorique - tout en adoptant des mesures qui sacrifient la première à la seconde et renforcent sans cesse leur précarité.

Les organisations soussignées appellent le gouvernement à s'en tenir aux exigences de la Cour de justice européenne plutôt qu'à s'efforcer de les contourner. Elles lui demandent  de tirer toutes les conséquences de la dépénalisation du séjour irrégulier et, notamment, d'abandonner son projet de décret de modification du FAED.




Organisations signataires :

Avocats pour la défense des droits des étrangers (ADDE), Comede, Emmaüs France, Fasti, Gisti, La Cimade, Ligue des droits de l'homme, MRAP, Revue Pratiques, Observatoire Citoyen du CRA de Palaiseau, Syndicat des avocats de France (SAF), Syndicat de la magistrature (SM), Syndicat de la médecine générale (SMG)

                                                                                                                              

1er octobre 2012

Familles en rétention : l'acharnement

Ce vendredi 28 septembre le gouvernement, réuni en conseil des ministres, a adopté le projet de loi élaboré par le ministre de l'intérieur « relatif à la retenue pour vérification du droit au séjour et modifiant le délit d'aide au séjour irrégulier pour en exclure les actions humanitaires et désintéressées ».

Si, d'un côté, le gouvernement restreint le champ d'application du délit de solidarité – sans toutefois l'abroger - de l'autre côté il crée une nouvelle mesure de rétention à destination exclusive des étrangers, se substituant à la garde à vue et destinée à faciliter, comme elle, la traque des sans papiers puis leur expulsion.

Cette garde à vue « bis » qui ne dit pas son nom n'a pas d'autre objet que de rétablir au plus vite le niveau de performance atteint par le précédent gouvernement dans les procédures de reconduite à la frontière, alors que leur « rendement » a été temporairement atténué par les décisions de la Cour de justice de l'Union européenne puis de la Cour de cassation interdisant l'emprisonnement des étrangers en séjour irrégulier. Si les objectifs d'expulsions ne sont plus chiffrés, la mise en place, en urgence, de ce nouveau dispositif d 'enfermement « ad hoc » confirme qu'ils demeurent inchangés.

Et comme pour mieux souligner que rien ne change non plus « sur le terrain », c'est ce même vendredi 28 septembre que des parents afghans et leurs deux enfants, dont l'un âgé de trois mois, ont été interpellés dans l'hôtel où ils avaient été assignés à résidence et placés dans le centre de rétention du Mesnil Amelot dans l'attente d'un renvoi imminent en Hongrie. C'est en effet par ce pays qu'ils étaient entrés dans la forteresse Europe, fuyant le chaos afghan vers lequel ils courent le risque d'être rejetés - le cas échéant après avoir été détenus plusieurs mois pour la seule raison qu'ils demandent l'asile -, la Hongrie étant cataloguée comme pays « non sûr » pour les demandeurs d'asile.

Avec ce placement en rétention, cette famille afghane inaugure à ses dépens l'application de la circulaire du ministre de l'intérieur du 6 juillet 2012 relative à « la mise en œuvre de l'assignation à résidence ... en alternative au placement des familles en rétention administrative » !

Un avis médical ayant déclaré l'état des deux enfants incompatible avec cette rétention, l'administration de Manuel Valls n'a pas faibli pour autant : la famille était de nouveau assignée à résidence mais, cette fois, sous une garde policière si nombreuse et si rapprochée qu'elle subissait un isolement plus drastique encore que dans un centre de rétention.

Le ministre de l'intérieur aura donc inventé, le même jour, la garde à vue se substituant à la garde à vue et la rétention se substituant à la rétention.

Donner aux services de police et aux préfectures tous les moyens juridiques et administratifs d'une politique dite « de fermeté », réputée payante, telle semble être l'obsession qui conduit ce gouvernement à un acharnement consternant.

L'empilement des dispositifs d'enfermement, l'addition des procédures inhumaines et la caution donnée au rejet de l'étranger n'ont jamais fait et ne feront jamais le socle d'une politique respectable et responsable.

                                                                                                                                  


28 juin 2012
Mayotte : encore des enfants en rétention tous les jours. La fin de l’enfermement des enfants en rétention doit s’appliquer partout en France.

Le 20 février 2012, François Hollande s’est engagé auprès de nos organisations à mettre fin dès le mois de mai à la rétention des enfants et de leurs familles , au nom de la protection de l’intérêt supérieur des mineurs et du respect des conventions internationales garantissant les droits humains.

Pourtant, un mois et demi après son élection à la Présidence de la République, François Hollande n’a pas complètement honoré sa promesse électorale. La semaine dernière, des mineurs, parfois de moins de dix ans, étaient encore enfermés - avec ou sans leurs familles - à la frontière comme sur le reste du territoire français , au mépris de leurs droits. Si depuis 10 jours cette pratique a cessé en métropole, elle reste massive et quotidienne à Mayotte.

Le ministre de l’Intérieur annonce qu’une circulaire va être adressée aux Préfets pour mettre un terme à ces pratiques.
Mais selon Mediapart, Mayotte risque d’être exclue de cette circulaire, devenant le seul département français  où l’enfermement des enfants serait encore possible.

Pourtant, la situation est proprement scandaleuse dans cette île lointaine, 101ème département français . Pas moins de 5 389 enfants y ont ainsi été privés de liberté en 2011 dans un centre de rétention jugé inhumain et dégradant . Cette situation est aggravée par un régime juridique spécifique à l’outremer qui rend quasiment impossible tout recours efficace à un juge pour contester ces décisions administratives.

En métropole, nombreuses sont par ailleurs les stratégies de contournement déployées par l’administration pour faire primer la répression sur la protection des enfants : leur minorité trop souvent contestée par une expertise osseuse approximative permet ainsi leur renvoi forcé, et des familles sont séparées du fait de la décision de certaines préfectures d’enfermer et d’éloigner un seul parent. 
 
Aussi, l’Observatoire de l’enfermement des étrangers et Migrants Outremer appellent le Président nouvellement élu à respecter ses engagements afin que soit immédiatement et définitivement mis fin à l’enfermement, sous quelque forme que ce soit, de tous les mineurs étrangers et de leurs familles sur l’ensemble du territoire français. Ils demandent également que soit enfin rétablie l’égalité des droits dans l’ensemble de la République, en mettant un terme au régime dérogatoire du droit des étrangers d’outremer.



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Organisations membres de l’Observatoire de l’enfermement des étrangers :
ACAT-France, Avocats pour la défense des droits des étrangers (ADDE), Anafé, Comede, Emmaüs France, Fasti, Gisti, La Cimade, Ligue des droits de l'homme, MRAP, Revue Pratiques, Observatoire Citoyen du CRA de Palaiseau, Syndicat des avocats de France (SAF), Syndicat de la magistrature (SM), Syndicat de la médecine générale (SMG)

Organisations membres de Migrants Outremer :
ADDE : avocats pour la défense des droits des étrangers/AIDES/ CCFD : Comité catholique contre la faim et pour le développement/ Cimade : service œcuménique d’entraide/ Collectif Haïti de France/ Comede : comité médical pour les exilés/ Gisti : groupe d’information et de soutien des immigrés/ Elena : les avocats pour le droit d’asile/ Ligue des droits de l’homme/ Médecins du monde/ Mrap : mouvement français contre le racisme et pour l’amitié entre les peuple/ OIP : observatoire international des prisons / Secours Catholique/ Caritas France


                                                                                                                                

7 juin 2012
PLUS DE GARDE A VUE « SALLE D'ATTENTE » POUR LES ÉTRANGERS.

C’est par un raisonnement clair et implacable que la chambre criminelle de la Cour de cassation, dans son avis rendu le 5 juin dernier à la demande de la première chambre civile, a considéré qu’un étranger ne peut être placé en garde à vue sur le seul soupçon qu’il serait en séjour irrégulier.

Tirant toutes les conséquences de deux décisions de la Cour de justice de l’Union européenne, la chambre criminelle désavoue ainsi fermement le recours systématique à la garde à vue comme antichambre de l’expulsion du territoire.


Cet avis résonne comme un désaveu cinglant infligé à tous ceux – ministère de la Justice en tête - qui s’obstinaient à soutenir une politique d’instrumentalisation de la procédure pénale pour satisfaire des objectifs chiffrés de reconduite à la frontière.


Si, en bonne logique, la chambre civile suit maintenant cet avis, il faudra donc rompre avec cette pratique détestable et renoncer à faire de la garde à vue la salle d’attente des décisions des préfets.


L’observatoire de l’enfermement des étrangers a toujours dénoncé la banalisation de l’enfermement comme mode de « gestion des étrangers ».


Il appelle la nouvelle majorité à saisir l’occasion qui lui est ainsi donnée de mettre fin à une politique d’enfermement de ceux dont le seul délit est d’être « sans papiers » et, poursuivant dans cette logique, à dépénaliser le séjour irrégulier.




                                                                                                                                


 7 février 2012
IL FAUT EN FINIR AVEC L'ENFERMEMENT DES ENFANTS ETRANGERS !

Hier soir, à la Bourse du travail de Paris, plus de 200 personnes ont lancé un appel à mettre fin aux pratiques d’enfermement des mineurs étrangers dans les Centre de rétention administrative (CRA) et les zones d’attente aux frontières. En dépit des textes internationaux qui garantissent leur protection, les enfants ne sont en effet pas épargnés par la politique « du chiffre » en matière d’immigration et d’enfermement des étrangers, et se trouvent privés de liberté au motif que leurs parents sont sans papiers. Pour la seule année 2010, 356 enfants ont été retenus dans les CRA, dont 80% âgés de moins de 10 ans ; et 518 ont été maintenus dans les zones d’attente, les enfants de 13 à 18 ans étant généralement enfermés dans les mêmes locaux que les adultes. La même année, dans la seule petite île de Mayotte, 6400 mineurs ont été éloignés de force.

L’ouverture, en août 2011, de 40 places pour les familles et l’installation de structures d’accueil et aires de jeux dans le nouveau CRA du Mesnil-Amelot, a envoyé le signal d'une augmentation de l'enfermement des enfants programmée par le ministère de l’Intérieur. Tirés du lit au petit matin ou arrêtés avec leur père, leur mère, leurs frères et soeurs, séparés de leurs amis, privés d'école, ces enfants s’en remettront-ils ? Ils sont enfermés près des aéroports, gardés par des policiers, derrière des grillages, à chaque déplacement ils voient devant eux leurs
parents menottés.

L’enfermement des enfants et des mineurs étrangers, seuls ou avec leurs parents, heurte les principes protégés par des textes internationaux dont la Convention Européenne des Droits de l'Homme (CEDH) et la Convention Internationale des Droits de l'Enfant (CIDE). Le Comité des droits de l'enfant des Nations unies rappelle régulièrement la France à l'ordre à ce sujet. En vain. Le 19 janvier 2012 la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) a condamné la France pour les traitements, considérés comme inhumains et dégradants, infligés à de jeunes enfants placés en rétention (CEDH Popov c/ France 19. 01. 12 n° 39472/07 et 39474/07).
Soutenus par des personnalités qualifiées dans le domaine de la protection des enfants, l’Observatoire de l’enfermement des étrangers et le Réseau éducation sans frontières publient un appel à pétition pour que cesse immédiatement et définitivement l’enfermement des enfants et mineurs étrangers.

Soutenus par des personnalités qualifiées dans le domaine de la protection des enfants, l’Observatoire de l’enfermement des étrangers et le Réseau éducation sans frontières publient un appel à pétition pour que cesse immédiatement et définitivement l’enfermement des enfants et mineurs étrangers. 

Pétition en ligne sur le site de RESF : http://www.educationsansfrontieres.org/


                                                                                                                                


31 août 2011
ENFANTS ETRANGERS : LA RENTREE DERRIERE LES BARREAUX

Le 1er août, le plus grand centre de rétention  administrative pour étrangers a ouvert à proximité de l'aéroport de Roissy Charles de Gaulle sur la commune du Mesnil-Amelot.

Profitant encore de la période estivale, ce véritable camp, de conception carcérale, "ouvre" désormais ses portes aux familles et donc aux enfants. En effet, ce jour, sont enfermés une mère de famille géorgienne et ses trois enfants de 5, 2 et 1 ans, tous nés en France. Alors même qu’un recours est en cours, ils ont été arrêtés à leur domicile, à Guéret dans la Creuse, le 30 août au matin. Le père, lui, n’était pas présent à ce moment-là au domicile.

Illégal car contraire à la Convention internationale des droits de l'Enfant, l'enfermement est au surplus, pour ces derniers, un véritable traumatisme, comme l'ont clairement affirmé diverses institutions indépendantes, telles le Conseil de l'Europe, la Commission nationale de déontologie de la sécurité et la Défenseure des enfants.

Arrêtés avec leur famille dans des conditions souvent violentes, arrachés brutalement à leur vie quotidienne, privés de scolarisation et d'activités, ces enfants sont aussi confrontés à l'angoisse et à la dévalorisation de leurs parents qu'ils voient menottés, entourés de policiers , présentés devant des juges, tels des délinquants.

Les associations intervenant dans les CRA auprès des familles retenues, peuvent témoigner des symptômes révélateurs d'un délabrement psychique au quotidien, causé par la rétention sur les enfants. D'autant que la durée maximale de l'enfermement a récemment été portée à 45 jours, ce qui accroît encore les risques de psychotraumatisme.

Rappelons que les centres de rétention et zones d'attente sont les seuls lieux où des enfants de moins de 13 ans peuvent être enfermés, comme si le seul fait d'être étranger rendait cette maltraitance institutionnalisée acceptable.

Récemment encore, la juridiction de Lille a sanctionné cette pratique au motif qu'elle constituait un traitement inhumain et dégradant au sens de l'article 3 de la CEDH. La Cour européenne elle-même a condamné cette pratique dans une affaire concernant la Belgique.

Les organisations signataires dénoncent la banalisation de l'enfermement administratif, et la pénalisation du séjour irrégulier comme mode de gestion des étrangers. Avec l'enfermement de ces enfants et de ceux qui suivront, c'est à la protection des plus vulnérables que le ministère de l'Intérieur s'en prend cette fois-ci,  toujours dans son obsession de la politique du chiffre en matière d'expulsions.



Signataires :
- Observatoire de l'enfermement des étrangers (ACAT-France, Avocats pour la défense des droits des étrangers (ADDE), Anafé, Comede, Emmaüs France, Fasti, Gisti, La Cimade, Ligue des droits de l'homme, MRAP, Revue Pratiques, Syndicat des avocats de France (SAF), Syndicat de la magistrature (SM), Syndicat de la médecine générale (SMG))
- Observatoire citoyen de la rétention 77
- Réseau éducation sans frontières (RESF)

                                                                                                                                


3 février 2011

POUR UN ACCES INCONDITIONNÉ DES ASSOCIATIONS AUX LIEUX D'ENFERMEMENT DES ÉTRANGERS

La directive européenne 2008/115/CE, dite « retour », oblige les États à instituer de nouvelles modalités d'intervention des associations dans les centres et locaux de rétention ainsi que dans les zones d’attente. En prévoyant que « les organisations et instances nationales, internationales et non gouvernementales compétentes ont la possibilité de visiter les centres de rétention (...)  utilisés pour la rétention de ressortissants de pays tiers », son article 16.4 ouvre en effet, pour ces organisations,  un droit d'accès qui n'existe pas à ce jour dans le dispositif français de la rétention.

Le délai de transposition de la directive « retour » a expiré le 24 décembre 2010. Depuis cette date, la France est en infraction à la législation européenne.

La réglementation française prévoit la présence, dans chaque centre de rétention, d'une seule association, sur la base d’une convention passée avec l'Etat et ce, pour permettre l'exercice par les étrangers des droits qui leur sont reconnus (accueil, information, soutien, aide à l'exercice de leurs droits). Depuis 2010, cette présence est assumée par cinq associations réparties dans les différents centres de rétention de France métropolitaine et des départements français d'Amérique.

Cette organisation ne satisfait pas les exigences de la directive 2008/115/CE : le fait que  les étrangers retenus puissent bénéficier des « prestations d'information » fournies par les associations présentes dans les centres de rétention n'épuise pas la « possibilité de visiter les centres de rétention » ouverte aux organisations par le droit européen. Les associations doivent pouvoir accéder aux centres indépendamment de toute mission d'information ou d'assistance aux étrangers, mais bien pour visiter l’ensemble des locaux des centres, voire l'organisation de la détention à l'intérieur de ces locaux. Pour cette raison, n’est pas non plus suffisante la faculté offerte par la réglementation française à des représentants d'ONG, au même titre que toute autre personne du choix de l'étranger, de lui rendre visite dans les locaux réservés à cet effet (« salle de visite »).

Outre les centres de rétention, sont également concernés par ce nouveau droit d'accès des associations les locaux de rétention utilisés par l'administration lorsque des circonstances exceptionnelles empêchent le placement en centre de rétention (art. R. 551-3 du CESEDA).  Plus largement, l’application de l'article 16 de la directive ne saurait être limitée aux seuls centres de rétention au sens strict mais désigne, bien entendu, tous les lieux où des étrangers sont retenus, notamment les zones d’attentes.

Le projet de loi relatif à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité examiné en ce moment au Sénat, est l'occasion de mettre le CESEDA en conformité avec les exigences de transparence contenues dans la directive.

Rassemblées dans l'Observatoire de l'enfermement des étrangers (OEE), les associations soussignées demandent que le CESEDA soit modifié de telle sorte qu’un droit de visite effectif de tous les lieux où des étrangers sont retenus soit assuré aux associations et aux organisations internationales, comme c'est le cas pour le contrôleur général des lieux de privation de liberté.


L'OEE EST COMPOSÉ DES ORGANISATIONS SUIVANTES :

Action des chrétiens contre la torture, Avocats pour la défense des droits des étrangers, Anafé, Comede, Emmaüs France, Fasti, Gisti, La Cimade, Ligue des droits de l'homme, Mrap, SMG, Syndicat des avocats de France, Syndicat de la magistrature, Secours Catholique.