Lettre ouverte au Premier ministre sur les personnes déplacées du Calaisis

Monsieur le Premier Ministre,

L'Observatoire de l'enfermement des étrangers (OEE) s'est donné pour objectif de dénoncer la banalisation de l’enfermement administratif comme mode de gestion des étrangers.

Depuis le 21 octobre dernier, votre Gouvernement a lancé une vaste opération de déplacement forcé d'une partie des personnes de nationalité étrangère (notamment des Syriens, des Irakiens, des Iraniens, des Afghans et des Erythréens) regroupées dans la région de Calais. Les associations présentes sur place et dans les centres de rétention administrative (CRA) font état de plus d’un millier de personnes déplacées puis enfermées en rétention dans sept centres disséminés sur le territoire métropolitain : Marseille, Nîmes, Toulouse, Rouen, Paris-Vincennes, Mesnil-Amelot et Metz. La quasi-totalité de ces personnes, dont certaines ont déjà subi un précédent placement en rétention, ont été ou seront libérées dans les cinq jours suivants, soit à l’initiative de l’administration elle-même, soit par un juge des libertés et de la détention, soit enfin par un tribunal administratif.

La gestion « industrialisée » (un jet privé, un avion de la sécurité civile, des bus…) de ces déplacements forcés paraît être organisée au moyen de véritables détournements de procédure. En plaçant ces personnes en rétention administrative, l’administration fait en effet usage de la procédure d’éloignement et ce, alors même que la plupart d’entre elles ne peut manifestement y être soumise, soit qu’elles relèvent du statut de réfugié soit qu’elles viennent d’un pays dont la situation intérieure interdit de les y renvoyer. Ainsi apparaît-il clairement que l’administration instrumentalise une procédure qu’elle sait d’avance ne pouvoir mener à son terme et qu’elle ne poursuit pas d’autre but, en enfermant ces personnes, que de les disperser et les dissuader de poursuivre leur route.

Ces violations répétées des textes se doublent d’autant de violations des droits humains : des familles sont séparées, des enfants sont laissés seuls à Calais quand leurs parents sont envoyés en CRA, des personnes sont raflées plusieurs fois de suite. C'est une gestion brutale, humiliante, traumatisante et coûteuse du « désengorgement » du Calaisis que vos services font subir à ces personnes venues chercher une protection internationale auprès de l’Union européenne.

C’est pourquoi les organisations membres de l’OEE souhaitent vous interroger sur la logique qui préside à ces opérations, le cadre juridique dans lequel elles s’inscrivent, les buts qu’elles poursuivent ainsi que sur leur cohérence tant politique que, accessoirement, budgétaire.

De plus, l’OEE vous demande de bien vouloir faire cesser immédiatement les violations des droits des personnes déplacées du Calaisis dans les centres de rétention.

Dans l’attente des éclaircissements que vous aurez à cœur de nous apporter, tant la situation de ces personnes est préoccupante, nous vous prions de croire, Monsieur le Premier ministre, à l’assurance de notre parfaite considération. 

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Prochaine réunion publique le 7 décembre

Enfermer plus, expulser plus : un projet de loi immigration en faveur des étranger-e-s ?
 
Assignation à résidence, multiplication des possibilités de placement en rétention, réduction de l’accès au juge, enfermement des mineur-e-s, systématisation des mesures de bannissement... Quelques exemples proposés dans la réforme du droit des étrangers chapeautée par le ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve et présentée comme étant « plus humanitaire », « pour améliorer l’accueil » et « faire progresser l’égalité des droits ».

A l’heure où se multiplient les situations d’enfermements arbitraires, pourtant condamnées par les juges judiciaires, administratifs et de la CEDH, ce projet de loi renforce les moyens donnés à l’administration pour mettre en œuvre sa politique de mise à l’écart des étranger-e-s. Un projet de loi volontairement complexe et technique, que  l’OEE se propose d’analyser, au regard des conséquences sur l’enfermement des étranger-e-s.

Vous êtes invité-e-s à venir débattre lors de la prochaine réunion publique, le 7 décembre prochain à 19h00 à LDH 138 rue Marcadet à PARIS (attention, suite aux nombre d'inscrit-e-s, il y a eu un changement de lieu pour cette réunion).


Prochaine réunion publique le 12 octobre

L'absence de droits nuit gravement à la santé mentale des personnes étrangères 
 
De nombreuses personnes exilées souffrent d'altération de leur santé mentale (troubles mentaux, troubles du comportement, troubles psychiatriques, détresse psychologiques…) notamment en raison du parcours migratoire, des violences et persécutions parfois subies dans le pays d'origine ou au long du chemin vers l'exil, de la séparation familiale, de la perte des repères culturels et linguistiques… Ces souffrances sont souvent aggravées par un contexte de précarité, d'incertitude dans la pérennité de leur séjour en France et dans l’avenir en général. A ce contexte s’ajoutent la menace voire l’expérience d’un enfermement administratif ou carcéral, et le risque permanent d’un éloignement forcé.

Or, le droit des étrangers ne prend pas suffisamment en considération les pathologies psychiatriques tant pour l'accès au séjour que pour la protection contre l'éloignement de ces « étrangers malades ».

Face à la détresse de ces enfants, femmes et hommes, des acteurs associatifs, des médecins, des établissements de soin ont pris conscience de la nécessité de développer une coordination entre soins médicaux, accompagnements social et juridique. Des initiatives ont été créées afin de lutter contre l'exclusion des personnes étrangères atteintes de pathologies psychiatriques et de sécuriser leur séjour en France.

Les lieux assurant une prise en charge médicale des personnes sont parfois des lieux de passage, dont la sortie peut s'accompagner d'une déprise du soin et de l'accompagnement juridique fragilisant, par conséquent, la régularité du séjour et la santé mentale.

L'Observatoire de l'enfermement des étrangers vous invite à débattre de ces questions après une présentation thématique se structurant autour des questions suivantes :

Propos liminaires : interrogations sur le champ de la santé mentale
Antoine Lazarus (médecin, professeur et ancien président de l'Observatoire international des prisons)
  • Santé mentale et extranéité du patient
  • Cadre et limites de la psychiatrie en établissement pénitentiaire
Insuffisance de la prise en considération des pathologies psychiatriques dans le droit des étrangers
  • Accès et maintien sur le territoire des étrangers malades souffrant de pathologies psychiatriques – Intervenants : Marie Cossart (psychologue référente au COMEDE) et Elise Vallois (juriste au COMEDE)
Développement progressif de l'accès au droit dans les établissements de soins psychiatriques
  • Présentation du dispositif Accès au droit et santé mentale (ADSM) et réflexions autour de l'accès au droit des étrangers malades en hôpitaux psychiatriques – Intervenant : Clarisse Barjou (juriste, coordinatrice du dispositif ADSM à Droits d'urgence)
  • Le patient étranger dans les établissements psychiatriques et l'accès au droit comme facteur d'évolution des soins – Intervenant : Andréa Tortelli (médecin psychiatre, EPS Maison Blanche)
Modération : Alexandre Moreau (juriste, Droits d'urgence)

La réunion aura lieu Lundi 12 octobre 2015 à 18h30, à la Ligue des droits de l'Homme  au 138, rue Marcadet (PARIS). 

communiqué de presse

L’autre face du plan Cazeneuve : enfermer toujours plus les personnes migrantes

Les mesures prises en urgence par le gouvernement, pour pallier le scandale public des conditions d’accueil des migrants rescapés des drames aux frontières de l’Europe, s’accompagnent d’un volet répressif que l’Observatoire de l’enfermement des étrangers entend dénoncer.

Prétendant « doser accueil des réfugiés et fermeté », le ministre annonce « une mobilisation de nos forces, de nos préfets pour interpeller davantage, faire des procédures et placer ceux qui doivent l'être en rétention », ajoutant qu'il entend « optimiser les capacités de rétention administrative ». Il s’agit d’enfermer pour tenter d’expulser toujours plus de migrants, une fois le tri effectué entre les présumés demandeurs d’asile et les autres.

Cette opposition de principe entre deux catégories figées, migrants économiques ou réfugiés, traduit une vision binaire réductrice et simpliste de la réalité des mouvements migratoires actuels. Elle conduit à faire subir à des milliers de personnes la violence de l’enfermement et d’une expulsion, ou de sa menace, au détriment de leurs droits fondamentaux et ne répond manifestement pas aux défis posés par les questions migratoires en France et en Europe aujourd’hui.

Flagrante illustration des abus et de l’absurdité de cette politique, des Érythréens, des Soudanais, des Afghans sont quotidiennement interpellés puis conduits de force en centres de rétention. Dernier épisode en date, le placement en rétention d’une quarantaine de ces ressortissants arrêtés à Calais jeudi 18 juin. Réfugiés en puissance, certains cherchent asile ailleurs qu’en France, d’autres n’ont pas pu déposer de demande avant leur interpellation. Ces tentatives d’expulsion sont vouées à la condamnation désormais habituelle des juridictions administratives, judiciaires ou de la Cour européenne des droits de l’homme. Ces personnes seront sans doute relâchées après avoir subi une privation de liberté abusive et la perspective angoissante d’une expulsion vers leur pays. Pour rien.

Nous sommes loin des assurances du gouvernement qui parle de mesures prises « dans le strict respect des droits et du droit de ceux qui ont été poussés sur les chemins de l’exode »

Les associations de l’OEE dénoncent depuis plusieurs années le caractère abusif que revêt ce recours à l’enfermement administratif et les violations graves et récurrentes qu'elle entraîne à l'encontre des droits des ressortissants de plus de 100 pays. Elles rappellent que ces mesures graves de privation de liberté ont concerné près de 50 000 personnes chaque année en métropole et Outre-mer. Un chiffre sans commune mesure avec ce qui se passe dans d’autres pays européens et qui n’a fait que s’accroître avec l’actuel gouvernement.  

A l’heure où le projet de loi immigration arrive en discussion devant l’Assemblée nationale, ce choix du gouvernement de recourir plus encore à l’enfermement des migrants est un très mauvais signe. Le projet de loi contient des dispositions qui dotent les préfets de pouvoirs coercitifs augmentés pour enfermer, assigner à résidence et expulser en contournant les recours à la justice. Allant en sens contraire des engagements pris par le candidat Hollande, cette politique ne fait que conduire à la banalisation de cette politique d’enfermement.

L’OEE appelle à la fin de cette politique d'enfermement, emblématique des pratiques administratives les plus abusives,  et demande aux parlementaires de replacer au cœur de ces dispositions le respect des droits et de la dignité des personnes.

Prochaine réunion publique de l'OEE

La prochaine réunion aura lieu mardi 9 juin à 19 heures dans les locaux de la Ligue des droits de l'Homme (138 rue Marcadet, 75018 Paris)

Elle sera consacrée à une rencontre autour de l'ouvrage « Un monde de camps » * avec la participation de Michel Agier, qui l'a coordonné, et d'Olivier Clochard, qui en est l'un des contributeurs. Michel Agier est  anthropologue, directeur de recherche à l'Institut de recherche pour le développement (IRD). Olivier Clochard est géographe, chargé de recherche au CNRS et président du réseau Migreurop. 

* Présentation éditeur : Les camps se multiplient et se banalisent partout sur la planète. Ils sont aujourd’hui des milliers, dessinant peu à peu un nouveau paysage mondial. Gouvernements nationaux et agences internationales adoptent de plus en plus systématiquement cette solution pour « regrouper » les réfugiés humanitaires, pour « parquer », faire « transiter », « retenir » ou mettre à l’écart les « déplacés » et les migrants, les « clandestins » et autres indésirables.Douze millions de personnes vivent ainsi dans ces camps, des millions d’autres dans des campements de fortune, au creux des forêts, dans les interstices des villes, le long des frontières ; d’autres encore sont piégées dans des centres de rétention, des zones d’attente ou de transit. Si ces « hors-lieux » sont des espaces de parias, nombre d’entre eux s’inscrivent dans la durée et se transforment au fil du temps : la vie s’y renouvelle, s’y attache, et l’emporte le plus souvent sur la mort ou le dépérissement. En vingt-cinq monographies qui forment une sorte de tour du monde des camps (du plus ancien, à Chatila au Liban, au plus grand, à Dadaab au Kenya, qui regroupe 450 000 habitants, en passant par le plus informel, à Canaan en Haïti, ou le plus précaire, à Calais), cet ouvrage fait découvrir la vie intime et quotidienne de leurs habitants. Loin d’être l’« exception » que l’on évoque généralement dans un cadre humanitaire ou sécuritaire pour en justifier l’existence, les camps font durablement partie des espaces et des sociétés qui composent le monde aujourd’hui. 

Actualités de l'OEE

A noter, les deux prochaines réunions publiques de l'observatoire, qui auront lieu :

  • le 5 mai au cinéma La Clef (34 Rue Daubenton, 75005 Paris) sur le thème      « Enfermement des étranger-e-s : enjeux politiques et engagement citoyen », avec Nicolas Fischer et des représentant-e-s d'observatoires locaux.           Voir le programme.

  • le 9 juin, rencontre autour du livre « Un monde de camps » avec la participation de Michel Agier et d'Olivier Clochard. Le lieu sera précisé ultérieurement.
 
Entrée libre. Pour en savoir plus : obs.enfermement@gmail.com 

Prochaine réunion publique le 2 février

Personnes étrangères en prison : trop (in)visibles ?

Au sein des établissements privatifs de liberté comme à l’extérieur, les personnes étrangères sont l’objet d’un fantasme artificiellement construit selon lequel existerait une corrélation entre leur nationalité, voire leur origine supposée, et un comportement délictueux. Ce fantasme est largement relayé dans l’espace public. 

Dans le même temps, en prison, les personnes étrangères sont confrontées à de nombreuses formes de discriminations très méconnues, quasi invisibles. 

Ces discriminations sont notamment le résultat d’une « gestion des flux migratoires » qui ajoute aux fonctions classiques consistant à surveiller et punir, l’objectif, en particulier dévolu à l’administration, de contrôler, et d'enfermer quasi mécaniquement pour expulser.

Au cours de cette réunion publique, les échanges se structureront autour de :
  
La visibilité des personnes étrangères en prison, ou la surreprésentation carcérale en question : 
  • Immigration et délinquance : réalités, et amalgames. Emmanuel BLANCHARD, Maître de conférences, Université de Versailles St-Quentin-en-Yvelines, Chercheur au CESDIP
  • Derrière les murs : données statistiques. Annie KENSEY, démographe, Cheffe du bureau des Études et de la Prospective à la Direction de l’administration pénitentiaire
 Observations conclusives. Nicolas FERRAN, responsable du contentieux à l’OIP-SF

L’invisibilité des personnes étrangères en prison, relégués parmi les relégués : 
  • Double peine et autres discriminations. Caroline BOLLATI, responsable de la Commission prison de la Cimade
  • Les obstacles à l’aménagement de peine. Jean-Claude BOUVIER, magistrat, Syndicat de la magistrature
 Observations conclusives. Alexandre MOREAU, Droits d’Urgence

Modération : Stéphanie CALVO, Ligue des droits de l’Homme

Lundi 2 février 2015 à 18h30, à la Ligue des droits de l'homme
138 rue Marcadet, 75 018 Paris
(Métro Ligne 12, Lamarck-Caulaincourt)


                                                                                        

Télécharger les documents distribués pendant la réunion :

- cahiers d'études pénitenciaires et criminologiques, numéro 14 

- série statistique des personnes placées sous main de justice 1980-214